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L'insurrection qui vient

L’INSURRECTION QUI VIENT

'Osez tout changer".

(Graffiti de novembre)

 

 

1-Qu’à l’avenir le mouvement spontané des gilets jaunes s’essouffle, se décompose, pourrisse ou au contraire perdure, se métamorphose, rebondisse et réapparaisse sous une autre forme plus tard, personne ne peut encore le dire. Mais ce qu’en tous cas on peut affirmer, c’est qu’il n’est pas une simple jacquerie 2.0, une jacquerie sans programme et sans lendemain ou un poujadisme contemporain comme l’affirme une gauche bobo très mal à l’aise avec ce mouvement, avec "ces gens là", ces petits blancs qui se sentent accablés par un mépris de classe. Il est le révélateur exemplaire d’une souffrance profonde, d’un sentiment insupportable d’injustice et de relégation, la manifestation imprévue et surprenante de locuteurs inhabituels, la manifestation de détresse enfin visible, phosphorescente et jaune fluo de la France invisible des accidentés, celle, dans les classes moyennes paupérisées, hantées par la menace de déclassement, des plus petits qui depuis longtemps se sentaient oubliés, délaissés, floués,  méprisés et non, comme hier, exploités, (l'inégalité est vécue comme une insulte intolérable sans que l'on puisse désigner vraiment un adversaire), et qui, dépourvus de tout pouvoir rejetaient violement l’ensemble de la classe politique et développaient une haine viscérale à l'égard du Système et d'une Représentation dont, depuis longtemps, il n'y avait absolument plus rien à attendre. Rien à voir donc avec une révolte des classes populaires (ouvriers, paysans, artisans) que celle des gilets jaunes qui se prétendent indument être le peuple et qui, dans une Europe de consommateurs sans projet fondée sur le seul consensus de la prospérité, "enrichissez vous" , ne réclament que ce qu'on leur avait promis. D'où le mobilisation de passions tristes (la haine, la colère, l'envie, la peur, la honte...)  avec lesquelles on ne créé pas un imaginaire alternatif, avec lesquelles on ne fait jamais de grandes choses même si le rappel à l'ordre peut avoir quelque chose de salutaire.

2-Voici plus de 10 ans que le géographe Christophe Guilluy avait analysé le phénomène de métropolitisation qui a fait que des villes mondiales connectée et reliée au monde (Paris, Lyon…)  étaient devenues, plus que l’Etat, un acteur politique principal. Cela a eu pour effet de provoquer une gigantesque hausse des loyers dans les villes. Dans un société post-industrielle qui a démantelé les appartences sociales du travail (l'externalisation engendrant de nouvelles inégalités, de nouveaux rapports sociaux),  les classes populaires et les petites classes moyennes sont alors partis non seulement vers le périurbain mais vers le centre rural, vers le grand ouest, vers toutes ces zones vidées de tout service public (transport, poste, médecins, école) que appelle la diagonale du vide et qui sont aujourd’hui devenues le foyer du mouvement des gilets jaunes.

3- La France s’était ainsi depuis longtemps polarisée, coupée en deux, et la fracture sociale depuis longtemps dénoncée (Chirac a repr!s la formule d'E. Todd et le sentiment d'un devenir de plus en plus inégal est bien le moteur du présent mouvement qui remet enfin en honneur la question sociale) s’était accompagnée d’une fracture territoriale doublée d’une fracture fiscale et d’une fracture numérique. La France d’en bas, France périphérique marginalisée et abandonnée s’oppose désormais à la France d’en haut qui a fait sécession, comme la France de l’angoisse du déclassement des classes moyennes qui n’est plus intégrée ni économiquement, ni politiquement, ni culturellement, comme la France des fins de mois difficiles qui doit se déplacer et prendre sa voiture pour aller chercher du travail dans les villes seules pourvoyeuses d’emploi et qui considère avec indignation, colère et ressentiment la France des élus et des élites qui « planquent leur fric » dans des paradis fiscaux, celle des métropoles mondialisées et connectées qui peut se payer  le luxe d’avoir des inquiétudes environnementales et de connaître l’angoisse non des fins de mois mais, disait Nicolas Hulot, celle des fins du monde : le déphasage des temporalités, l’opposition du court et du long terme et la schizophrénie des citoyens n’ont jamais été si totales. Personne ne peut pourtant nier l’importance et l’urgence de l’enjeu climatique et la grande majorité des Français sont favorables à la « transition écologique » mais les mesures qui doivent instamment être prises nécessitent l’adhésion de tous et donc de la pédagogie, de la transparence concernant l’utilisation des prélèvements et des taxes, autre chose en tous cas que ces petits pas, que ces mesurettes perçues comme punitives, dérisoires, injustes, antisociales, incohérentes et absurdes… Elles ne feront jamais oublier que le diesel a été imposé il y peu par les lobbies automobiles et qu’il règne en maître sur le monde : un super tanker pollue plus à lui tout seul que l’ensemble des voitures automobiles de la totalité d’un pays et l’empreinte carbone considérable de l’irremplaçable kérosène ne cesse d’augmenter et d’échapper à toute taxation.

4-Le président E. Macron a bénéficié de ce mouvement populiste de rejet de la classe politique (ni gauche/ni droite) qui a vu s’effondrer tous les grands partis politiques et qui a créé "l'illusion du consensus".  Arrivé au pouvoir on n’a pu que se féliciter de son intelligence, de son sens de l’Etat, de la finesse et de la réactivité de sa politique étrangère qui fait honneur à la France et de la façon qu’il a de tenir tête à la déferlante populiste en commençant par écraser, et il était le seul à pouvoir le faire, sa rivale nationale-populiste. Il reste que pour lui, comme le disait Gérard Noiriel, les classes populaires ne sont jamais que le poids social des miséreux incapable d'apporter quelque chose à l'histoire. 

5- Et pourtant alors que les résultats de la politique libérale du Président (libérer les énergies vives des entreprises en réformant le code du travail) sont reportées à un problématique futur (2022 promet Edouard Philippe), la suppression de la mesure très symbolique de l’ISF (le prix du consentement à l'impôt), la baisse des APL, ses propos maladroits sur le chômage et les combines révélées par l’affaire Benalla… l’ont fait apparaître comme le Président des riches et des premiers de cordée, cependant que se faisait attendre un hypothétique virage social : la promesse, illisible pour beaucoup et d’effet psychologique nul, de la suppression de la taxe d’habitation, n’en pouvait tenir lieu. Cette mesure a renforcé au contraire l’image d’un Etat plus jacobin que jamais qui dépossédait dans le même temps les maires de tout pouvoir et éloignait les citoyens des lieux et des centres de décision. En persistant dans le refus des corps intermédiaires, en ne proposant à la crise aucune porte de sortie, c’est désormais sans filtre, sans relais, sans médiation aucune, sans ces machines à refroidissement des conflits qu'étaient les syndicats que le Président jupitérien affronte aujourd’hui, en position de faiblesse"et à portée de baffe" « le peuple » qui s'en prend directement au roi dans son decorum (les ors de l'Elysée, les gardes républicains...). Mais ce "peuple" ne veut ni communiquer, ni discuter : on ne discute pas avec le système, on ne négocie pas les règles du mépris. La volonté de réforme du Président à qui on reproche son insensibilité aux problèmes concrets de la vie quotidienne des français n’en sortira pas indemne. Commment prétendre refonder l'Europe quand on la dette va approcher de 100% du Pib ? Singulier renversement puisque le mouvement des gilets jaunes est l'image en miroir de la République en marche et que la haine profonde du  chef de l'Etat est à la mesure de l'espoir que le "jeune président" avait suscité lorsqu'il pouvait encore prétendre, en bon machavélien, à l'amitié du peuple et à la mesure des grands.

 6- Ce « peuple » mobilisé et hystérisé par les réseaux sociaux est soutenu par deux Français sur trois, il court-circuite syndicats, médias, partis politiques, on ne peut nulle part le rencontrer, il est devenu invisible, protéifrome, gazeux et incontrôlable et a cherché à rallier les portes de l’Elysée au cri de : « Macron démission ». Le mouvement absolument horizontal de démocratie participative que constitue les gilets jaune aspire encore paradoxalement à une décision verticale même s'ils mettent en cause le principe de la représentation et refuse à quiconque, sous peine de mort, de parler en leur nom. L'opposition de deux logiques hétérogènes (la logique comptable de l'économie libérale, la logique politique et l'aporétique de la démocratie populaire qui constitue toujours un excès, un rupture échappant à toute mesure : elle devient "populiste" lorsque la souveraineté est sans limite, non soumise au respect des droits de l'homme, ce qui est le cas de tous les despotismes) irréconciliables, le refus de toute délégation pour porter les revendications, n'ouvre le champ qu'à la violence et sur le modèle des émeutes de Banlieue de 2005, cette agrégation de colères individuelles (moi ! moi!, moi!) dans une société de la défiance ne pourra connaître qu'une lente décrue, qu'un progressif épuisement, qu'une usure, qu'une lassitude qui ne pourra générer que de l'amertume car il n'y a pas d'alternative crédible et le problème-moteur du mouvement n'a pas été traité ; appeler à la fin du mouvement est passible de haute trahison. L'Assemblée nationale est sans doute complètement déconnectée (pas un seul ouvrier n'y siège alors qu'il y a 20% d'ouvriers dans le pays) et dépourvue de toute légitimité mais elle doit faire une place à une institution capable de canaliser cette nouvelle énergie démocratique et de permette aux citoyens, entre deux élections, de contrôler le pouvoir des élus éventuels. Les potentats autoritaires après tout ont été aussi élus au suffrage universel...

C’est la fracture territoriale qui a agrégé ce « peuple », qui a réuni travailleurs indépendants, petits commerçants, retraités, chômeurs et c’est une nouvelle lutte des classes très différente de celle qui opposait hier, dans la société industrielle, le prolétariat à la bourgeoise, qui est en train de se constituer. La guerre ouverte dans les beaux quartiers du 8e arrondissement était déjà une répétition encore symbolique de cette lutte sans merci. Cette population ne constitue plus ce que Sartre appelait une « série », une réalité inerte comme peut l’être celle de voyageurs isolés et muets  attendant un autobus. Face à des mesures toujours plus dures qui s’accumulent sur la question très sensible de la circulation et de l’automobile[1] cette population est sortie de l'apathie, s’est réveillée, s’est mise à parler, s’est révoltée contre la double peine (payer la transition écologique après avoir été chassée des villes), elle a accédé à la conscience de classe et est devenue un acteur social animé de la passion si française de l'égalité en faisant des ronds points à la fois leur agora et leur carnaval, presqu’un « groupe en fusion » prêt à prendre l’Assemblée nationale ou l’Elysée comme hier on prenait la Bastille ou le Palais d’hiver : c’est sur la place de la Concorde qu’elle voulait se rassembler ; en 1934, déjà, les ligues avec la participation du parti communiste s’y étaient retrouvées en déclenchant la plus grande et la plus meurtrière bataille de rue que la France ait connue.

6- Mais une classe sociale « en soi » définie par des critères objectifs (place dans le processus productif, niveau de revenu, type d’habitat…) devenue « pour soi », c’est-à-dire consciente d’elle-même  doit encore s’organiser, définir un programme, trouver et légitimer des portes paroles pour prendre le pouvoir ; or les gilets jaunes ne disposent d’aucunes structures, d'aucun ancrage institutionnel. La question est donc de savoir, après être passé de la « série » au « groupe en fusion » après être devenus des "citoyens" capables de prendre la parole et s'être constitué en une sorte de tiers état  comment les gilets jaunes pourraient passer au niveau de « l’organisation » ? Car si la dénonciation des élites au nom du peuple a trouvé dans leur mouvement populaire son expression la plus accomplie, il lui manque encore, pour devenir vraiment « populiste » et pour faire passer au second plan la demande de démocratie participative, un chef à poigne et un projet de conquête du pouvoir.

7-  Le leader des « insoumis » pourrait-il récupérer le vent de la tempête, lui donner une orientation lui qui a vu « l’histoire dégagiste reprendre son cours après avoir été un long temps distraite par l’épisode hallucinogène Macron Jupiter » ? Lui qui a entonné la « Marseillaise » (et non « L’internationale ») avec les gilets jaunes ? Outre que sa crédibilité en tant que Président potentiel a été profondément affecté par l’humeur colérique qu’il a montrée lors des perquisitions, son populisme de gauche qui rêve, à la suite de Chantal Mouffe, d’une « convergence des luttes », ne parle vraiment qu’à une frange très étroite de la gauche et à quelques jeunes intellectuels, la participation du comité Adama est le signe encore bien maigre d'une "reconquête" des classes populaires ; les commerçants et les indépendants qui constituent le meilleur vivier du mouvement ne peuvent en aucun cas être séduit malgré sa faconde.

8- Reste alors celle qui se tient en embuscade en se gardant bien de prendre part à une mobilisation soutenue par 70% des français et où l’électorat frontiste est sur-représenté, celle que le Président a publiquement enfoncée, humiliée et battue au deuxième tour des élections. Le fond du mouvement des gilets jaunes n’est sans doute pas « d’extrême droite », comme le dit Castaner resté sourd à la souffrance populaire d’une «France  qui a mal partout » (Bourdieu), mais l’écart des revenus et des conditions de vie, le fossé des inégalités qui se creusent tous les jours, ressemblent fort à ce qu’ils étaient à la veille de la Révolution de 1789… retour à la case départ ?

Et pourtant les cris de haines à l’égard des migrants (coulons les bateaux !), des fichés S (une balle dans la tête !), des homosexuels, de l'Europe de Bruxelles… déjà entendus dans les manifestations laissent à penser qu’avec sa démagogie habituelle (halte au matraquage fiscal !, les Français d’abord !…) et son enracinement dans le pays profond, elle n’aura aucun mal à profiter de la dynamique à l'oeuvre et à  remporter dans six mois les élections européennes, dernière marche avant la conquête du pouvoir en 2022. 

La France à l’instar de l’Italie de Salvini, de la Hongrie d’Orban, de l’Amérique de Trump, du Brésil de Bolsonaro… ne pourra pas, semble t-il, faire, elle non plus, l’économie d’une dérive fascisante ou de passer, pour le moins, par la case populiste. Sans parler d’un dictateur je vois très bien, dans ce monde qui est en train de naître, un mouvement cinq étoiles à la Française accolé à l’extrême droite prendre les reines d'un pouvoir fort. Le nom de Colluche qui avait vu venir depuis longtemps cette méfiance radicale à l’égard de la représentation revient sans arrêt, parait-il  sur les réseaux sociaux. Une fois de plus les Italiens aurons eu sur nous une longueur d’avance, mais l'avenir, bien sûr, nous reste plus que jamais absolument inconnu…

Jeudi 6 Décembre

L’INSURECTION QUI VIENT

'Osez tout changer".

(Graffiti de novembre)

1-Qu’à l’avenir le mouvement spontané des gilets jaunes s’essouffle, se décompose, pourrisse ou au contraire perdure, se métamorphose, rebondisse et réapparaisse sous une autre forme plus tard, personne ne peut encore le dire. Mais ce qu’en tous cas on peut affirmer, c’est qu’il n’est pas une simple jacquerie 2.0, une jacquerie sans programme et sans lendemain ou un poujadisme contemporain comme l’affirme une gauche bobo très mal à l’aise avec ce mouvement, avec "ces gens là" qui se sentent accablés par un mépris de classe. Il est le révélateur exemplaire d’une souffrance profonde, d’un sentiment insupportable d’injustice et de relégation, la manifestation imprévue et surprenante de locuteurs inhabituels, la manifestation de détresse enfin visible, phosphorescente et jaune fluo de la France invisible des accidentés, celle, dans les classes moyennes paupérisées, hantées par la menace de déclassement, des plus petits qui depuis longtemps se sentaient oubliés, délaissés, floués, méprisés, méprisés et non, comme hier, exploités, (l'inégalité est vécue comme une insulte intolérable sans que l'on puisse désigner vraiment un adversaire), et qui, dépourvus de tout pouvoir rejetaient violement l’ensemble de la classe politique et développaient une haine viscérale à l'égard du Système et d'une Représentation dont, depuis longtemps, il n'y avait absolument plus rien à attendre.

2-Voici plus de 10 ans que le géographe Christophe Guilluy avait analysé le phénomène de métropolitisation qui a fait que des villes mondiales connectée et reliée au monde (Paris, Lyon…)  étaient devenues, plus que l’Etat, un acteur politique principal. Cela a eu pour effet de provoquer une gigantesque hausse des loyers dans les villes. Dans un société post-industrielle qui a démantelé les appartences sociales du travail (l'externalisation engendrant de nouvelles inégalités, de nouveaux rapports sociaux),  les classes populaires et les petites classes moyennes sont alors partis non seulement vers le périurbain mais vers le centre rural, vers le grand ouest, vers toutes ces zones vidées de tout service public (transport, poste, médecins, école) qui sont aujourd’hui devenues le foyer du mouvement des gilets jaunes.

3- La France s’était ainsi depuis longtemps polarisée, coupée en deux, et la fracture sociale depuis longtemps dénoncée (Chirac a repr!s la formule d'E. Todd et le sentiment d'un devenir de plus en plus inégal est bien le moteur du présent mouvement qui remet enfin en honneur la question sociale) s’était accompagnée d’une fracture territoriale doublée d’une fracture fiscale et d’une fracture numérique. La France d’en bas, France périphérique marginalisée et abandonnée s’oppose désormais à la France d’en haut qui a fait sécession, comme la France de l’angoisse du déclassement qui n’est plus intégrée ni économiquement, ni politiquement, ni culturellement, comme la France des fins de mois difficiles qui doit se déplacer et prendre sa voiture pour aller chercher du travail dans les villes seules pourvoyeuses d’emploi et qui considère avec indignation, colère et ressentiment la France des élites qui « planquent leur fric » dans des paradis fiscaux, celle des métropoles mondialisées et connectées qui peut se payer  le luxe d’avoir des inquiétudes environnementales et de connaître l’angoisse non des fins de mois mais, disait Nicolas Hulot, celle des fins du monde : le déphasage des temporalités, l’opposition du court et du long terme et la schizophrénie des citoyens n’ont jamais été si totales. Personne ne peut pourtant nier l’importance et l’urgence de l’enjeu climatique et la grande majorité des Français sont favorables à la « transition écologique » mais les mesures qui doivent instamment être prises nécessitent l’adhésion de tous et donc de la pédagogie, de la transparence concernant l’utilisation des prélèvements et des taxes, autre chose en tous cas que ces petits pas, que ces mesurettes perçues comme punitives, dérisoires, injustes, antisociales, incohérentes et absurdes… Elles ne feront jamais oublier que le diesel a été imposé il y peu par les lobbies automobiles et qu’il règne en maître sur le monde : un super tanker pollue plus à lui tout seul que l’ensemble des voitures automobiles de la totalité d’un pays et l’empreinte carbone considérable de l’irremplaçable kérosène ne cesse d’augmenter et d’échapper à toute taxation.

4-Le président E. Macron a bénéficié de ce mouvement populiste de rejet de la classe politique (ni gauche/ni droite) qui a vu s’effondrer tous les grands partis politiques.  Arrivé au pouvoir on n’a pu que se féliciter de son intelligence, de son sens de l’Etat, de la finesse et de la réactivité de sa politique étrangère qui fait honneur à la France et de la façon qu’il a de tenir tête à la déferlante populiste en commençant par écraser, et il était le seul à pouvoir le faire, sa rivale nationale-populiste.

5- Et pourtant alors que les résultats de la politique libérale du Président (libérer les énergies vives des entreprises en réformant le code du travail) sont reportées à un problématique futur (2022 promet Edouard Philippe), la suppression de la mesure très symbolique de l’ISF (le prix du consentement à l'impôt), la baisse des APL, ses propos maladroits sur le chômage et les combines révélées par l’affaire Benalla… l’ont fait apparaître comme le Président des riches et des premiers de cordée, cependant que se faisait attendre un hypothétique virage social : la promesse, illisible pour beaucoup et d’effet psychologique nul, de la suppression de la taxe d’habitation, n’en pouvait tenir lieu. Cette mesure a renforcé au contraire l’image d’un Etat plus jacobin que jamais qui dépossédait dans le même temps les maires de tout pouvoir et éloignait les citoyens des lieux et des centres de décision. En persistant dans le refus des corps intermédiaires, en ne proposant à la crise aucune porte de sortie, c’est désormais sans filtre, sans relais, sans médiation aucune, sans ces machines à refroidissement des conflits qu'étaient les syndicats que le Président jupitérien affronte aujourd’hui, en position de faiblesse, directement « le peuple » qui s'en prend directement au roi et à son decorum (les gardes républicains), désormais "à portée de baffe". Mais ce "peuple" ne veut ni communiquer, ni discuter : on ne discute pas avec le système, on ne négocie pas les règles du mépris. La volonté de réforme du Président à qui on reproche son insensibilité aux problèmes concrets de la vie quotidienne des français n’en sortira pas indemne. Singulier renversement puisque le mouvement des gilets jaunes est l'image en miroir de la République en marche et que la haine profonde du  chef de l'Etat est à la mesure de l'espoir que le "jeune président" avait suscité.

 6- Ce « peuple » mobilisé et hystérisé par les réseaux sociaux est soutenu par deux Français sur trois, il court-circuite syndicats, médias, partis politiques, on ne peut nulle part le rencontrer, il est devenu invisible, protéifrome, gazeux et incontrôlable et a cherché à rallier les portes de l’Elysée au cri de : « Macron démission ». Le mouvement absolument horizontal de démocratie participative que constitue les gilets jaune aspire encore paradoxalement à une décision verticale même s'ils mettent en cause le principe de la représentation et refuse à quiconque, sous peine de mort, de parler en leur nom. L'opposition de deux logiques hétérogènes (la logique comptable de l'économie libérale, la logique politique et l'aporétique de la démocratie populaire qui constitue un excès, un rupture échappant à toute mesure et elle devient "populiste" lorsque la souveraineté est sans limite, non soumise au respect des droits de l'homme comme avec le despotisme) irréconciliables, le refus de toute délégation pour porter les revendications, n'ouvre le champ qu'à la violence et sur le modèle des émeutes de Banlieue de 2005, cette agrégation de colères individuelles (moi ! moi!, moi!) dans une société de la défiance ne pourra connaître qu'une lente décrue, qu'un progressif épuisement, qu'une usure, qu'une lassitude qui ne pourra générer que de l'amertume car il n'y a pas d'alternative crédible et le problème-moteur du mouvement n'a pas été traité ; appeler à la fin du mouvement est passible de haute trahison. L'Assemblée nationale est sans doute complètement déconnectée (pas un seul ouvrier n'y siège alors qu'il y a 20% d'ouvriers dans le pays) et dépourvue de toute légitimité mais elle doit faire une place à une institution capable de canaliser cette nouvelle énergie démocratique et de permette aux citoyens, entre deux élections, de contrôler le pouvoir des élus éventuels. Les potentats autoritaires après tout ont été aussi élus au suffrage universel.

C’est la fracture territoriale qui a agrégé ce « peuple », qui a réuni paysans, ouvriers, petits commerçants, retraités, chômeurs et c’est une nouvelle lutte des classes très différente de celle qui opposait hier, dans la société industrielle, le prolétariat à la bourgeoise, qui est en train de se constituer. La guerre ouverte dans les beaux quartiers du 8e arrondissement était déjà une répétition encore symbolique de cette lutte sans merci. Cette population ne constitue plus ce que Sartre appelait une « série », une réalité inerte comme peut l’être celle de voyageurs isolés et muets  attendant un autobus. Face à des mesures toujours plus dures qui s’accumulent sur la question très sensible de la circulation et de l’automobile[1] cette population est sortie de l'apathie, s’est réveillée, s’est mise à parler, s’est révoltée contre la double peine (payer la transition écologique après avoir été chassée des villes), elle a accédé à la conscience de classe et est devenue un acteur social en faisant des ronds points leur agora, presqu’un « groupe en fusion » prêt à prendre l’Assemblée nationale ou l’Elysée comme hier on prenait la Bastille ou le Palais d’hiver : c’est sur la place de la Concorde qu’elle voulait se rassembler ; en 1934, déjà, les ligues avec la participation du parti communiste s’y étaient retrouvées en déclenchant la plus grande et la plus meurtrière bataille de rue que la France ait connue.

6- Mais une classe sociale « en soi » définie par des critères objectifs (place dans le processus productif, niveau de revenu, type d’habitat…) devenue « pour soi », c’est-à-dire consciente d’elle-même  doit encore s’organiser, définir un programme, trouver et légitimer des portes paroles pour prendre le pouvoir ; or les gilets jaunes ne disposent d’aucunes structures. La question est donc de savoir, après être passé de la « série » au « groupe en fusion » après être devenus des "citoyens" capable de prendre la parole et s'être constitué en une sorte de tiers état  comment les gilets jaunes pourraient passer au niveau de « l’organisation » ? Car si la dénonciation des élites au nom du peuple a trouvé dans leur mouvement populaire son expression la plus accomplie, il lui manque encore, pour devenir vraiment « populiste » et pour éclipser la demande de démocratie participative, un chef à poigne et un projet de conquête du pouvoir.

7-  Le leader des « insoumis » pourrait-il récupérer le vent de la tempête lui qui a vu « l’histoire dégagiste reprendre son cours après avoir été un long temps distraite par l’épisode hallucinogène Macron Jupiter » ? Lui qui a entonné la « Marseillaise » (et non « L’internationale ») avec les gilets jaunes ? Outre que sa crédibilité en tant que Président potentiel a été profondément affecté par l’humeur colérique qu’il a montrée lors des perquisitions, son populisme de gauche qui rêve, à la suite de Chantal Mouffe, d’une « convergence des luttes », ne parle vraiment qu’à une frange très étroite de la gauche et à quelques jeunes intellectuels ; les commerçants et les indépendants qui constituent le meilleur vivier du mouvement ne peuvent en aucun cas être séduit par sa faconde.

8- Reste alors celle qui se tient en embuscade en se gardant bien de prendre part à une mobilisation soutenue par 70% des français et où l’électorat frontiste est sur-représenté, celle que le Président a publiquement enfoncée, humiliée et battue au deuxième tour des élections. Le fond du mouvement des gilets jaunes n’est sans doute pas « d’extrême droite », comme le dit Castaner resté sourd à la souffrance populaire d’une «France  qui a mal partout » (Bourdieu), mais l’écart des revenus et des conditions de vie, le fossé des inégalités qui se creusent tous les jours, ressemblent fort à ce qu’ils étaient à la veille de la Révolution de 1789… retour à la case départ ?

Et pourtant les cris de haines à l’égard des migrants (coulons les bateaux !), des fichés S (une balle dans la tête !), des homosexuels… déjà entendus dans les manifestations laissent à penser qu’avec sa démagogie habituelle (halte au matraquage fiscal !, les Français d’abord !…) et son enracinement dans le pays profond, elle n’aura aucun mal à profiter de la dynamique à l'oeuvre et à  remporter dans six mois les élections européennes, dernière marche avant la conquête du pouvoir en 2022. 

La France à l’instar de l’Italie de Salvini, de la Hongrie d’Orban, de l’Amérique de Trump, du Brésil de Bolsonaro… ne pourra pas, semble t-il, faire, elle non plus, l’économie d’une dérive fascisante ou de passer, pour le moins, par la case populiste. Sans parler d’un dictateur je vois très bien un mouvement cinq étoiles à la Française accolé à l’extrême droite prendre les reines d'un pouvoir fort. Le nom de Colluche qui avait vu venir depuis longtemps cette méfiance radicale à l’égard de la représentation revient sans arrêt, parait-il  sur les réseaux sociaux. Une fois de plus les Italiens aurons eu sur nous une longueur d’avance…

Jeudi 6 Décembre

Le roi est nu

Le roi est mort

Sa dynamique est à jamais brisée

Il n’aura vraiment régné que le temps d’un éclair

on l'a déjà pendu en effigie

comme au temps des canranval et des charivari

si chers à notre peuple rabelaisien

 

Bonaparte au cœur gonflé d’orgueil

Il allait de réformes en réformes

Mais emporté par la « révolution » qu’il avait lui même initiée

il est tombé en plein vol, la roche tarpéienne est proche du Capitole

Pleurez, nos yeux,

Nous avons tout perdu

la start up nation à laquelle les Gaulois réfractaires

Rétifs à tous les pouvoirs

n’entendaient rien

Et la crédibilité, le leadership de la France en Europe et son rayonnement dans le monde

Avec nos larmes ne nous restent

Qu’une société divisée au bord de l’explosion

Le renversement transversal et inattendu de l’ordre du monde

Plus que jamais nous fait peur.

Dimanche 10 Décembre,

Bonnets phrygiens ou chemises brunes ? Les immenses banderoles déployées à Bordeaux par les chemises jaunes contre le pacte de Marrakesh, (pacte non contraignant qui entend réguler les migrations) sont un presage inquiétant même si la revendication sociale prime la revendication identitaire.

Mardi 11 décembre

 Les gilets jaune n’ont pas "bac plus 5" comme 80% de nos représentants à la chambre, mais ils ont appris, grâce au nouveau logiciel de Facebook  à se parler, à se rencontrer, à reconstituer un tissu social eux qui, pour la plupart, étaient victimes de la société post-industrielle démantelée (externalisation, sous-traitance de 80% de la production chez Renault par ex) qui a vu se désintégrer les appartenances sociales du travail et la fin des syndicats. Ils ont su ainsi donner une dimension collective  à leur revendication, ont développé une nouvelle affectio societatis inédite en ces temps d’individualisme forcené.

Google et Facebook en changeant d’algorithme en donnant la priorité à la proximité géographique, ont accéléré les échanges et les interactions et recréé du lien social entre voisins, une conscience de classe.

Ceux qu’on disait incapables d’articuler une seule  parole sont entrés dans l’univers de l’écriture, ils ont appris à faire des analyses politiques et à partager des liens.

 

L’ubérisation de la revendication toutefois hystérise les débats, fait monter la pression de ces gens qui sont par essence hostiles à la représentation, qui ne représentent qu’eux mêmes, Leur demander de nommer des représentants n’a pas de sens. Comme lors de la révolution arabe en Tunisie, ils ne sont là que pour s’opposer et ils s’opposeront jusqu’à épuisement quitte à emporter avec eux le gouvernement, la République, le régime et la France. Leur fin de non recevoir à l’égard des propositions du Président (11 milliards d’euro, ce n’était pourtant  pas rien même si le symbole de l’ISF va continué à être trainé comme un boulet) n’est pas une surprise, c’était couru d'avance.  Macron est l’incarnation de  toute la suspicion, de toute la haine et de la détestation de ceux qui se considèrent comme étant  le peuple et qui se soulèvent et réclament leur place, toute leur place, leur place de souverain -et non un plein d’essence.

Son élégance d’un autre âge, son langage, son ton compassionnel, sa gestuelle, sa mise en scène, sa comédie (comme disait une gilet jaune particulièrement malveillante) ont cristallisé sur sa personne un rejet total et irréversible, c’est comme ça.

On mesure mal l’amplitude de cette défiance à l'égard de l'élite que je ressens dans ma chair car c’est un fossé immense et toujours plus profond qui nous sépare  tous les jours de nos semblables.

 

 

L'Amour en cage

Quinson le 24/12/18.

J’ai toujours du mal à dire « joyeux noël » tant je ressens au plus profond de moi que dans ce monde sans transcendance et sans aucun rituel, on cherche en vain ce qui pourrait encore nous réunir. « La France est pour moi un hôtel, rien de plus » disait, il y a longtemps déjà, Michel Houellbecq. Société émiettée de consommateurs revanchards que celle des réseaux sociaux,  pays dévasté, livré à l’automobile, pays des ronds points innombrables que la France. Perdu l’Orient, perdus le sens, la direction ! L’on  peut tourner indéfiniment en rond, et sur cette place publique des temps nouveaux, dans cette société complètement horizontale où l’Etat, fragilisé, ne peut plus nous tenir ensemble, dans cette société si peu cohésive que l’on ne rencontre plus personne, soudainement, des hommes ont été tout surpris de pouvoir se rencontrer encore et de parler et d’échanger et de faire société et de refaire le monde avec, pour finir, le sentiment de toute puissance d’avoir réussi, comme par l’entêtement d’un enfant, à cnspué le Prince et à mettre la France à genoux. Sans programme, sans projets et sans représentants ils ont, dans un temps suspendu, arrêté les horloges et comme l’ange que Vasari peignit à l’intérieur du dôme du baptistère florantin, ils ont, comme lui, pris burin et  marteau pour immobiliser la terre :  fantasme d’un jour de rédemption ; et qu’auraient-ils pu faire d’autre tant est vide la scène politique et absentes les solutions de rechange ? Ce que montrent les plus radicaux d’entre eux, ceux qui, dans leurs délires, leur brutalité, leur nihilisme, leur désir d’impossible, ont pris la mesure de l’abîme : rien à gagner, rien à attendre, ils ont tout brûlé, sans voir que le chaos qu’ils produisent dans leur rage et leur  vindicte pourrait nous préparer à d’amères retournements…

En communion d’impatience avec ce monde bouillonnant[1] et sans avenir qui est en train de naître, s’interrompre et dire quand même envers et contre tout : Un âge va, un âge vient, et la terre tient toujours[2].

 

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[1] Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Gramsci

[2] L’Ecclésiaste

 

 

 

[1] Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Gramsci

 

 

19 mars, 4 mois après...

 

J’aime l’ironie voltairienne que le maire élu de Phalsbourg peut encore se permettre à l’égard du pouvoir présidentiel et je trouve aussi  bien sympathiques tous ceux qui, chaque samedi, reconstituent du « commun » sur les rond-points, dans notre société malade de solitude, dans notre société atomisée où chacun se sent dépossédé de tout pouvoir.

Mais cette fois-ci, après les déprédations de Samedi qui ternissent à tout jamais l'image de la France j’ai envie de dire stop ! basta !

Ils peuvent sans doute continuer, dans une fuite en avant perpétuelle,  à crier « on ne cédera rien » (leur seul mot d’ordre) et à mettre semaine après semaine la France à genoux

à menacer de mort ceux qui osent débattre avec le pouvoir, à se repaître d’illusion et à proposer des gadgets comme le RIC, le démocratie participative ou le tirage au sort à la place de la démocratie

représentative… 

mais la politique requiert quand même un peu plus de sérieux.

En politique on choisit ses ennemis non ses amis et tu sais bien que ni à gauche ni à droite il n’y a de relève possible. L’Europe entière nous envie ce Président jeune, dynamique, compétent,intelligent, qui n’a pas peur de s'exposer tout azimut même si...

 

J’essaie d’éviter de tomber dans le mépris de classe à l’égard des laissés pour compte de la mondialisation que ce soient les électeurs de Trump ou nos gilets jaunes  tous branchés sur les réseaux sociaux sur lesquels ils s’informent parce que, en bons populistes, ils n’aiment que ce qui leur fait plaisir et qu'ils ne voient partout ailleurs que complots.

Ce mouvement anarcho-fasciste qui mêle les extrêmes, comme l'a dit hier soir Pascal Bruckner, ne peut faire que le jeu de l’extrême droite et que mener notre société, en état de guerre civile larvée, à une progressive déliquescence.  Cela m’inquiète et me désespère et ce  maire qui refuse le débat et multiplie ses doléances me semble irresponsable et absolument condamnable.

J.L. Nancy : nous sommes en guerre ce n'est pas toi qui déraille...

voici les annotations de JLN sur mon texte de voeux...

 

L’amour en cage

J’ai toujours du mal à dire « joyeux noël » tant je ressens au plus profond de moi que dans ce monde sans transcendance et sans aucun rituel, on cherche en vain ce qui pourrait encore nous réunir. Est-il si évident qu’il n’y a pas de transcendance ? ta seule plainte témoigne du contraire, et de plus la transcendance n’est pas toujours visible comme les clochers de cathédrales… « La France est pour moi un hôtel, rien de plus » disait, il y a longtemps déjà, Michel Houellbecq. (oui bien sûr ce type s’est fait une spécialité de surjouer la plus ou moins autoflagellation qui est un vrai bien de consommation et de fast-book ; est-il nécessaire de le prendre comme référence ?)   Société émiettée de consommateurs revanchards que celle des réseaux sociaux,  pays dévasté, livré à l’automobile, pays des ronds points innombrables que la France. Perdu l’Orient, perdus le sens et la direction ! (ma foi, il y a longtemps que c’est dit et redit… et l’Orient est désormais plus occidental que nous : nous avons donc à réinventer même ces idées d’orentation…) L’on  peut tourner indéfiniment en rond, et sur cette place publique des temps nouveaux, dans cette société complètement horizontale (ça dépend…. Il y a pas mal d’initiatives, de tentatives, d’énergies qui fermentent…) où l’Etat, fragilisé, ne peut plus nous tenir ensemble, dans cette société si peu cohésive que l’on ne rencontre plus personne (eh bien je te rencontre quad même, toi et  d’autres… , soudainement, des hommes ont été tout surpris de pouvoir se rencontrer encore et de parler et d’échanger et de faire société et de refaire le monde avec, pour finir, le sentiment de toute puissance d’avoir réussi, comme par l’entêtement d’un enfant, à conspuer le Prince et à mettre la France à genoux. Sans programme, sans projets, sans représentants ils ont, dans un temps suspendu, arrêté les horloges et comme l’ange que Vasari peignit à l’intérieur du dôme du baptistère florentin, ils ont, comme lui, pris burin et  marteau pour immobiliser la terre : fantasme d’un jour de rédemption ; et qu’auraient-ils pu faire d’autre tant est vide la scène politique et absentes les solutions de rechange ?  (je ne peux pas partager tout de cette description ; assez vite le ressentiment stérile s’est fait sentir, hélas… et puis bien sûr Macron s’est montré incapable – mais ce n’est que la suite d’au moins trois autres présidences et combien de gouvernements ?)

 

  Je ne pourrais vivre à une meilleure époque que la nôtre où l’on a tout perdu (S.Weil).

(alors, tu cites cette phrase et tu la laisses tomber ? mais pourquoi ? il faut partir de là et s’y tenir ! pourquoi dit-elle ça ? parce qu’elle sait que la perte est toujours le préalable d’un nouvel élan, lequel devrait s’efforcer de ne pas trop vouloir amasser…

 

Elle a aussi écrit, plus haut dans le même ensemble :  Arriver à savoir exactement ce qu'a perdu l'avare à qui on a volé

son trésor ; on apprendrait beaucoup.

 

Savons-nous exactement quel trésor nous disons avoir perdu ?

 

 

 Mais ce que montrent les plus radicaux d’entre eux, les nihilistes qui, dans leur désir d’impossible, ont pris la mesure de l’abîme et voulu tout brûler, c’est que le chaos qu’ils poursuivent de leurs vœux pourrait nous préparer à d’amères retournements… (c’est bien ce que je dis… pas des retournements, ça a déjà tourné avant que ça commence)

 

En communion d’impatience avec ce monde bouillonnant[1] et sans avenir (« sans avenir » c’est le statut de tous les avenirs… ça vient, rien de plus) qui est en train de naître, trêve de fêtes et de vœux, simplement dire quand même, envers et contre tout : Un âge va, un âge vient, et la terre tient toujours[2]. Quinson le 24/12/18

 

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Cygne des temps

 

Le premier mai 2019

 

 

Natura non façit saltus, tel était l’axiome leibnizien qui mettait en forme le principe de continuité. L’histoire de la modernité semble au contrarie dominée par des événements rares, inhabituels, imprévisibles tant elle ne cesse de nous réserver des surprises, de provoquer des crises et des  traumatismes : le 11 Septembre, le Brexit, l’élection de Trump… mais aussi l’effondrement brutal de régimes totalitaires, nazi et stalinien que personne, vraiment personne, n’avait prévu. Cela ne nous permet-il pas de dire avec le statisticien, trader et philosophe grand admirateur de Montaigne[1],  N. N. Taleb[2] : L’histoire… ne rampe pas, elle fait des sauts, elle va de fracture en fracture…[3] ? Ce qu’il appelle L’événement-cygne noir est pour lui le symbole de ces événements rares que l’on dit aujourd’hui disruptifs, de ces épisodes qui viennent nous bousculer, entamer notre confort et révéler la fragilité de nos systèmes de pensée qui témoignent tous d’une mediocritas viscérale et invétérée. Tyrannisé par le collectif, le routinier, l’évident, le prévu, nous n’aimons en effet que la régularité, la norme, la linéarité du sens, nous ne cherchons qu’à faire rentrer dans la moyenne tout événement extrême (d’où notre penchant pour les formes pures, pour la courbe de Gauss qui réduit les écarts, par exemple) : voilà qui explique en particulier  que pendant longtemps on a cru que tous les cygnes étaient blancs jusqu’à ce qu’on rencontre, en Australie, des cygnes noirs. Ce qu’on va appeler maintenant l’événement-cygne noir se reconnaît ainsi à trois caractéristiques : 1° Il est hors norme, impossible, improbable, imprévisible, imprédictible.

2° Il a pourtant des conséquences ou des effets considérables qui modifient profondément la face de la terre et bouscule tous nos systèmes de représentations.

3 « Mais comme nous ne parvenons pas à comprendre qu’on ne l’ait pas prévu », on s’imagine toujours, après coup, pouvoir l’insérer dans une chaîne causale et on reconstruit irrésistiblement une narration qui lui donne un sens et en fait disparaître l’effet de surprise. « Nous ne sommes qu’une grande machine à regarder en arrière »[4] écrit Taleb, retrouvant le mouvement rétrospectif du vrai[5] ou l’illusion rétrospective de l’historien que critiquait déjà Bergson.

 

Prenons un exemple. On sait que le premier mai était, massivement, rouge.  Dès l’année 1889, la deuxième internationale socialiste, en mémoire des massacres de Chicago, l’avait déclaré Journée Internationale des Travailleurs et tous les ans les cortèges de la gauche syndicale défilaient divisés ou unis. Emilie Aubry nous rappelle que le premier mai a été ensuite de couleur blanche avec la fête du muguet, celle des travailleurs et de la Concorde sociale au moment où Pétain a tenté d’étrangler la République, mais cela ne fut qu’une parenthèse bien vite oubliée dans l’histoire du mouvement ouvrier. Mais voilà que le rite, le cérémonial séculaire du premier mai ne s’est pas du tout déroulé comme il s’était toujours déroulé et comme on pensait que toujours il se déroulerait comme si, tout d’un coup,  il avait trompé notre attente, contrevenu à l’illusion si gratifiante  de régularité qui nous fait rêvé d’un monde stable, « calme » et  « bien élevé »[6] sans s’apercevoir qu’un tel monde serait en vérité bien insipide dans la mesure où il ne s’y passerait jamais rien...

Quand ce sont les gilets jaunes qui applaudissent les black blocs, qui conspuent les élites syndicales, qui brandissent des drapeaux tricolores et qui n’affichent que leur seul désir d’en découdre, il se pourrait bien que le premier mai devienne noir, entièrement noir et il faut donner ici à « noir » la valeur inversée, négative, infernale qu’il a dans Le lac des cygnes : le noir s’oppose à la candeur immaculée du cygne blanc, candeur qui l’empêche de rejoindre le réel, l’impossible, ce qui heurte et contre lequel on  se cogne[7]

Yellow is the new black, le noir a désormais recouvert le jaune et, événement qui peut sembler d’importance mineure ou de faible envergure, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, a été exfiltré. Ce « micro signe noir », pourrait pourtant représenter le point névralgique à partir duquel, avec tout l’imaginaire de la gauche, c’est tout un monde qui a clairement basculé.

Le défilé du 1er mai à Paris, en cette année 2019, a été peut-être ainsi un révélateur inattendu et puissant de l’état d’une société française en crise, fracturée et arrivée au bord de l’éclatement. La stratégie offensive particulièrement efficace des 7 000 policiers déployés pour contrer l’apocalypse annoncée, a permis de casser, de démanteler, de stopper la vague noire qui s’était cristallisée dans la ville promise à devenir la capitale de l’émeute et le foyer de l’insurrection qui vient. Mais à quel prix et pour combien de temps, ce coup d’arrêt a-t-il été donné et faudrait-il qu'après le désordre ce soit l'ordre, un  ordre qui ne croit qu'à la force, qui finisse, à son tour,  par nous menacer ?

 

[1] Il ne manqua jamais de virtu face à ce que Machiavel appelait la fortuna et sut humblement négocier avec le non su et l’improbable.

[2] Le cygne noir. La pussiance de l’imprévisible. Les Belles Lettres, 2019.

[3] Op. cit., p. 37.

[4] Op. cit., p. 37.

[5] La Pensée et le mouvant, PUF, 1946, Introduction (Première partie), section : " Mouvement rétrograde du vrai : mirage du présent dans le passé "

 

[6] Op. Cit., p. 127.

[7] Le désir de régularité et de perfection est toujours mortifère : c’est une des lectures possibles du film de Darren Aronofsky, Black Swan, variation autour du Lac des cygnes de Tchaïkovski dans lequel la candeur et la perfection du cygne blanc finit par s’ouvrir, avec une incroyable violence, à la sensualité et au vice du cygne noir, son double inversé, sombre, mortifère, nocturne, maléfique.

 

 

 

 

[1] Il ne manqua jamais de virtu face à ce que Machiavel appelait la fortuna et sut humblement négocier avec le non su et l’improbable.

[2] Le cygne noir. La pussiance de l’imprévisible. Les Belles Lettres, 2019.

[3] Op. cit., p. 37.

[4] Op. cit., p. 37.

[5] La Pensée et le mouvant, PUF, 1946, Introduction (Première partie), section : " Mouvement rétrograde du vrai : mirage du présent dans le passé "

 

[6] Op. Cit., p. 127.

 

La demande de dignité qui est au fond des revendications des gilets jaunes, l’indignation ressentie face à une inégalité croissante particulièrement scandaleuse (effet Carlos Ghosn) qui a placé le désert françaisla France périphérique (90% du territoire) en dehors de l'économie (30 000 ronds points ont remplaccé les usines déclassées) et face à une société bloquée dans laquelle l’ascenseur social est depuis longtemps en panne sont demandes légitimes et particulièrement urgentes.  On aurait donc tort d’accabler de notre mépris de classe les gilets jaunes symptomes d'un mal très profond ni de méconnaître l’extrême aveuglement du gouvernement : avec les 80 km/heure, le revirement brutal sur le diesel et les taxes sur le carburant, il  a mis le feu au poudre et précipité dans la révolte une France "périphérique".  Avec la suppression des services publics, avec la priorité donnée au TGV et la fermeture des petites lignes de chemin de fer, elle est devenue totalement dépendante de la « bagnole ».

 

Mais cela ne légitime peut-être pas l’indulgence et la sorte de complaisance que montre une certaine élite intellectuelle vis-à-vis de ce mouvement social qui sort de tous les créneaux et qui semble pourtant vouloir s'installer durablement dans le paysage politique.

 

1 - La Francité. Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération, écrivait Marc Bloch dans L’étrange défaite alors qu'il stigmatisait la bourgeoisie incapable de vibrer, en 1936, devant ce qui fut à la fois un mouvement social et une fête. Sans être voués à une anarchie festive qui serait spécifiquement française, nous sommes d’abord les héritiers de la Révolution et on se sent français quand on éprouve de la fierté aux seuls mots d’insoumission ou de dissidence, quand on vibre lorsqu’un peuple - comme le peuple algérien, ici admirable ! - refuse de se soumettre à l’arbitraire d’un régime gérontocratique corrompu et inique. Mais si s’indigner et se révolter contre l’injustice et la tyrannie fait l’étoffe des héros, remettre en cause radicalement toutes les institutions d’un régime démocratique, refuser tout dialogue, menacer de mort tous ceux qui céderaient au prétendu  piège ensorcelé du pouvoir, ressemblent plutôt à une totalitaire, dérisoire et infantile obstination. On ne gouverne pas avec un peuple d’insoumis et si l’on peut prendre ou incendier le Fouquet’s, qu’on ne s’imagine pas pour autant avoir pris la Bastille ! C’était fait depuis longtemps et cela n'aurait pas eu lieu sans la longue préparation des philosophes des Lumières, de ceux que l’on appelle aujourd’hui les intellectuels, tous aujourd'hui discrédités, disqualifiés ! Une révolution a pourtant besoin d'une stratégie, d'une perspective d'avenir ou alors elle n'est qu'une révolte sans lendemain : agir en primitif, penser en stratège, écrivait René Char, deux impératifs inséparables ou alors c'est la jacquerie, la bande à Bonnot, la violence nihiliste des black blocs ou des militants alter : la rançon de la dépolitisation, comme nous le rappelle R. Debray.

 

2 - L’opinion. On dit que malgré leur très faible nombre (4 000 manifestants à Paris, 164 000 dans toute la France), une majorité de Français soutiendrait les gilets jaunes mais cela n’est pas tout à fait exact. Impuissants à maîtriser la violence, incapables de déterminer une ligne politique et à provoquer cette convergence des luttes théorisée par Chantal Mouffe, ils sont aussi  prompts à confondre leur ressenti avec la réalité : ils vont mal dans une France qui, matériellement, va plutôt bien et dans laquelle le niveau de redistribution est le plus haut d’Europe ! Quel étranger ne rêve pas de posséder notre carte verte, la bien nommée carte vitale ! Bref, les gilets jaunes ne savent pas où ils vont. Ce que les Français soutiennent majoritairement ce sont certaines de leurs légitimes revendications, celles qui ont généralement été à peu près prises en compte au terme du Grand Débat et qui consistent surtout à donner plus de pouvoir aux citoyens. L’effet de loupe, provoqué par le spectacle en direct donné par la télévision, fausse totalement notre jugement. D’après les derniers sondages, aux élections européennes, en dehors de l'abstention, les listes, toutes d’extrême droite, qui se réclament des gilets jaunes,  ne feraient que 3,5 %. Est-ce là le « retour des peuples », la grande « recomposition populaire qui touche toutes les démocraties occidentales » comme le dit Christophe  Guilluy emboîtant curieusement le pas à la dirigeante du R.N. ?

 

3 - La violence. Depuis les émeutes des banlieues de 2005, la révolte des bonnets rouges et de Notre Dame des Landes la violence est devenue presque la norme et les exactions sont souvent considérées d’un œil favorable, ce qui ne laisse pas d’être inquiétant car la violence n’est pas toujours l’accoucheuse de l’histoire et elle est incompatible avec la démocratie,  régime essentiellement fragile où l’on échange des mots et non des coups.

 

Le maintien de l’ordre est pourtant devenu depuis six mois le seul enjeu véritable des manifestations. Il a complètement éclipsé les mots d’ordre et les revendications populaires. La destructions des corps intermédiaires, des structures de médiation (partis, syndicats…), la  logique anti-système et « dégagiste » qui a porté E. Macron au pouvoir, font que c’est aussi dans un face à face sans filtre et sans échappatoire que les foules incontrôlées se moquent de la légalité et crient leur vindicte au Prince solitaire : « Macron démission », « Macron tête de con », « CRSS Daesh », « Suicidez-vous » etc. Comme les syndicats ne parviennent plus à recruter assez de militants pour constituer le service d’ordre qui, naguère, encadrait, contrôlait, ritualisait les manifestations, il faut se résigner et admettre que le désordre règne une fois par semaine au désespoir d’une partie des citoyens, des petits et grands commerçants.

 

4 - Atomisation. L’accès de tous aux réseaux sociaux, si mal nommés, est un événement capital qui a eu des effets multiples. Il a généré, pour le meilleur et pour le pire, les nouveaux mouvements sociaux du monde contemporain. Il a achevé en particulier d’atomiser une société depuis longtemps déjà en proie à l’anomie (destruction des normes et des régulations collectives selon Durkheim). Dans ce déballage ou ce défouloir obscène et sans limite que sont souvent les réseaux sociaux où le surmoi a fait complètement naufrage, chacun y va de ses revendications sans se soucier de débattre, de soutenir  une argumentation rationnelle et tous peuvent se payer le luxe de remettre en cause radicalement nos institutions, de rêver d’une société entièrement horizontale gouvernée par le recours permanent au RIC, piège, chimère et billevesée radicalement incompatible avec le fonctionnement d’une grande société démocratique. Les grandes fêtes rabelaisiennes et rousseauistes des ronds-points dans lesquelles, sans doute,  le lien social se reconstitue avec bonheur,  ne sauraient donner le change.

 

5 - Droitisation de la contestation sociale. Ce mouvement atypique s’est développé autour de la grande peur de la mondialisation et du partage d’un scepticisme radical concernant l’Europe qui, quel que soit son vide identitaire, est pourtant la bonne échelle où peuvent se résoudre les problèmes du nouveau monde (défi écologique, défi du terrorisme, défi du numérique, défi migratoire, défi de l'hégémonie chinoise, américaine et russe[2]...). Cela est devenu particulièrement manifeste et visible en ce premier mai où ont été réinvestis les thématiques et les symboles identitaires, nationaux aussi bien que régionaux : plus de drapeaux rouges, plus d’Internationale mais des drapeaux bleu blanc rouge et la Marseillaise. Avec la disparition des partis de gauche (aucun ne fera plus de 5 % aux élections européennes) ce sont les syndicats qui s’effacent eux aussi progressivement des cortèges, la CFDT et la FSU qui renoncent à y participer, Martinez qui se fait huer par les gilets jaunes et qui est exfiltré. Nous sommes vraiment sortis du vieux monde dans lequel on croyait tous les cygnes blancs[3], sortis de la société industrielle  dans laquelle la démocratie sociale s’organisait traditionnellement autour du mouvement ouvrier qui avait mémoire, revendications et vision du monde. C’est la théorie du complot entièrement fabriquée par les algorithmes qui a pris maintenant la place de l’idéologie, théorie adulée par une France en colère pour une part presque entièrement acquise au national-populisme.

 

Le vieux monde se meurt, disait Gramsci dans une incise si souvent citée. Le vieux monde se meurt quand un cygne noir vient perturber ou trouer le continuum de la prévisibilité et des extrapolations classiques perturbant, déconcertant ainsi notre volonté de compréhension et de maîtrise. Ce sont tous les clivages et notamment ceux qui séparaient la gauche de la droite qui sont devenus obsolètes, et la gauche de tradition saint-simonienne, productiviste, comptant sur la croissance pour redistribuer le grain à moudre se trouve par exemple désarmée devant  les exigences ascétiques du nouveau monde, celles préconisées par la vague verte tandis que la droite coinçée entre la REM et le RS a perdu sa place. L’irruption des cygnes noirs est aussi celle des signes noirs de ce que Machiavel appelait la fortuna : avec elle, surprise toujours imprévisible, la virtu du Prince, disait-il, doit, à chque fois composer. Exposés au risque et à la mésaventure du cygne noir nous pouvons être brisés ou au contraire rendus au mouvement et à la vie[4]. On se prend alors à espérer, à espérer par exemple  qu’arrivées au bord du gouffre la France et l’Europe enfin se réveillent et parviennent à en finir avec la bête immonde qui, à chaque instant, peut surgir du ventre fécond de nos fragiles démocraties…  Ce premier mai a été en tous cas la révélation exemplaire de ce changement d’époque et nous savons au moins que rien ne sera plus jamais comme avant. Dans cet entre-deux, peut-être nous voici. L’ancien monde se meurt, et ajoutait Gramsci, le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ».

 

[1] Le cygne noir. La puissance de l’imprévisible (Les Belles Lettres, 2008). Le 11 Septembre, l'effondrement de l'URSS, le Brexit, l'éllection de Trump sont des exemples d'événements-cygnes noirs

 

[2] Par tous les moyens, Xi Jinping, Trump, Poutine cherchent  à diviser, à disloquer, à affaiblir l’U.E. L’Europe  sur laquelle on s’acharne n’est donc peut-être pas encore « sortie de l’Histoire » comme l’affirme R. Debray. C’est pourquoi sans doute pour continuer d’exister, elle obéit au logiciel néolibéral (productivité, compétitivité, flexibilité) tout en tentant de faire respecter les droits humains et les principes de la démocratie libérale, soit l’héritage du Christianisme et des Lumières.

[3] Il en est ainsi de la dinde inductive de B. Russell : nourrie quotidiennement pendant 365 jours, elle conclut à la bonté de l’espèce humaine et à sa bienveillance pour les dindes avant, la veille de Noël, de perdre la tête. C’est en Australie que les Européens découvrirent en 1697 ces oiseaux rares disait Juvénal, les cygnes noirs alors que toutes leurs observation leur faisaient croire qu’il n’y avait que des cygnes blancs.

[4] Le désir de régularité et de perfection est toujours mortifère : c’est une des lectures possibles du film de Darren Aronofsky, Black Swan, variation autour du Lac des cygnes de Tchaïkovski dans lequel la candeur et la perfection du cygne blanc finit par s’ouvrir, avec une incroyable violence, à la sensualité et au vice du cygne noir, son double sombre, mortifère, nocturne, maléfique.

 

[1] Le cygne noir. La puissance de l’imprévisible (Les Belles Lettres, 2008). 

 

[2] Par tous les moyens, Xi Jinping, Trump, Poutine cherchent  à diviser, à disloquer, à affaiblir l’U.E. L’Europe  sur laquelle on s’acharne n’est donc peut-être pas encore « sortie de l’Histoire » comme l’affirme R. Debray. C’est pourquoi sans doute pour continuer d’exister, elle obéit au logiciel néolibéral (productivité, compétitivité, flexibilité) tout en tentant de faire respecter les droits humains et les principes de la démocratie libérale, soit l’héritage du Christianisme et des Lumières.

[3] Il en est ainsi de la dinde inductive de B. Russell : nourrie quotidiennement pendant 365 jours, elle conclut à la bonté de l’espèce humaine et à sa bienveillance pour les dindes avant, la veille de Noël, de perdre la tête. C’est en Australie que les Européens découvrirent en 1697 ces oiseaux rares disait Juvénal, les cygnes noirs alors que toutes leurs observation leur faisaient croire qu’il n’y avait que des cygnes blancs.

[4] Le désir de régularité et de perfection est toujours mortifère : c’est une des lectures possibles du film de Darren Aronofsky, Black Swan, variation autour du Lac des cygnes de Tchaïkovski dans lequel la candeur et la perfection du cygne blanc finit par s’ouvrir, avec une incroyable violence, à la sensualité et au vice du cygne noir, son double sombre, mortifère, nocturne, maléfique.

 


[1] Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Gramsci

[2] L’ecclésiaste

 

 

 

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