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Collapsologie

 

 

 

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 CRITIQUE DE LA RAISON ECOLOGIQUE

 

Le temps du monde fini commence. Valéry

Plus personne de normalement cérébré ne doute de la catastrophe.

Aurélien Barrau, astrophysicien.

 

Ce matin j’ai écouté l’interview de P.H. Castel (auteur du livre « Le mal qui vient ») qui annonçait la parution imminente du livre de Pierre Charbonnier intitulé : Critique de la raison écologique. J’essaie d’imaginer cette nouvelle « critique » (au sens kantien[1]) et de rassembler quelques idées autour de l’inquiétude écologique qui, suite à la démission de Nicolat Hulot et au nouveau rapport du Giec[2] s’est cristallisée, début 2018, sous la forme d’une collapsologie au succès médiatique que l’on sait[3]. Le grand livre de Jared Diamond Collapse, Effondrement, paru en 2005 et traduit en français en 2006 est centré sur le modèle de l’ile de Pâques victime d’une déforestation catastrophique, conséquence de pratiques agonistiques et somptuaires. Il est devenu la référence majeure du premier ministre. Dès 2015 le « Comment tout peut s’effondrer » de Pablo Servigne et Raphaël Stevens avait sonné l’alarme mais, en vérité, depuis que le monde est monde, les hommes n’avaient jamais cesser de fictionner, de fabuler la fin du monde[4].Le calendrier maya n’avait-il pas prévu le bug de l’an 2000 ?

 

1° : que l’humanité doive disparaître et notre monde s’effondrer est une certitude scientifiquement établie, une issue aussi inéluctable que celle de notre propre mort mais la nouveauté c’est que, dans un monde interconnecté, l’effondrement sera rapide (les espèces n’auront pas le temps de s’adapter) et général (il ne s’agira pas simplement, comme hier, de la seule chute de l’Empire romain ! ). Il n’y a pourtant pas de collapsologie parce qu’il n’y a aucune  « logie »  aucun « logos" aucune science susceptible de prévoir la fin du monde, de donner une date à cette apocalypse sans Royaume qu’on nous promet. Les collapsologues sont des ingénieurs qui ne connaissent que le déterminisme et qui méconnaissent le domaine de la liberté qui est celui de la politique qui a su, naguère, faire face aux pires situations[5]. Les thèses de Yves Cochet (le pic pétrolier, point de bascule, effet de seuil, avait déjà été annoncé pour 2006 ! ), figure historique majeure de l’écologie française, sont à cet égard emblématiques d’un certain faux monnayage : elles prophétisent, sans la moindre démonstration,  la fin du monde pour 2035 i.e, avec la sécheresse et la baisse des rendements agricole et des stocks de pèche, la guerre de tous contre tous, les tueries de masse, la disparition de la moitié de la population[6]... « Le compte à rebours a commencé[7] » affirme Y. Cochet en diffusant ainsi une peur qui risque de paralyser au lieu de mobiliser. Même si le seuil d’irréversibilité semble bien être dépassé (60 % des vertébrés sauvages ont disparu en 40 ans et la biodiversité ne cesse de se raréfier), même si la fin est programmée, l’avenir reste imprévisible et on ne peut parler que d’une apocalypse à bas bruit, d’une dynamique d’effondrement (Dominique Bourg), dynamique à laquelle il faut s’adapter (c’est la Deep Adaptation des anglo-saxons) et non d’un effondrement au sens d’un événement brusque, total et définitif. Le temps de la fin n’est pas la fin des temps. En tout état de cause on ne peut jamais prévoir que l’entropie, que le retour au zéro et à l’indifférenciation d’un système. La vie, disait Bergson, est création continue d’imprévisibles nouveautés.

 

2°.  Parler de capitalocène plutôt que d’anthropocène est peut-être une niaiserie quand on considère que ce sont d’abord les pays communistes restés particulièrement captifs d’une idéologie marxiste prométhéenne et hyperproductiviste, soit la Chine d’aujourd’hui et l’URSS d’hier, qui ont été responsables d'un niveau paroxystique de dévastation environnementale. La Chine qui a heureusement sorti sa population de la misère s’entend aujourd’hui très bien avec le capitalisme qui continue a déforester l’Amazonie pour planter du soja et nourrir le bétail qui fournit à sa population une nourriture carnée. En trois ans, elle a consommé autant de ciment que les Etats-Unis en un siècle…

 

3°. Les gens du Giec viennent soit des sciences dures soit de la biologie, biochimie...  Ils ont calculé que 70 % de la biomasse profite à l’espèce humaine contre 30 % pour le reste des espèces vivantes. Une telle  proportion est extravagante et à terme suicidaire.

Mais le problème de la collapsologie c’est que ce constat alarmant n’est suivi d’aucune proposition économique et politique concrète, d’aucun modèle alternatif d’organisation collective et que, comme telle, elle ne peut  conduire qu'à la désespérance.  Ce qui nous manque c’est l’imagination, nous ne savons en effet pas très bien quoi « faire » et sur quelle manette nous pouvons agir. Ce n’est pas le retour à la permaculture ou aux utopies villageoises qui nous sortiront d’affaire[8]. Comment le colibri de Pierre Rabi pourrait-il jamais éteindre l’incendie que nous, les voleurs de feu, avons allumé ?

 

L’écofascisme. Le réchauffement climatique à 1,5°  est géophysiquement possible (à condition d’arrêter de rêver à la relève totale des énergies renouvelables[9] et de conserver une place importante à l’énergie nucléaire : soit, en France, au moins 50% de la production totale d’électricité) mais socialement impossible : jamais, dit-on,  le peuple ne renoncera en effet à son confort, à ses avantages acquis (avions, automobiles, téléphones portables… tous dévoreurs d’énergie…) pour se mettre au régime et adopter un mode de vie plus frugal[10]. On ne revient jamais en arrière, c’est ce qu’on appelle l’effet cliquet, cliquet d’irréversibilité. Dans ces conditions on est ainsi insensiblement conduit à soutenir l’idée développée par le premier grand philosophe de l’écologie, Hans Jonas[11] que seule une "dictature bienveillante" pourrait prendre les mesures  nécessairement contraignantes propre à sortir l’humanité des énergies carbonnées ou fossiles de la civilisation thermo-industrielle et entamer une véritable décroissance qui est l’unique pilier, l’unique levier disponible susceptible de réduire le réchauffement climatique (qui à un certain niveau stoppe la photosynthèse, empêche le refroidissement des centrales nucléaires, le bon fonctionnement des panneaux solaires…). Car c’est lui le cygne noir, c’est lui qui sera bientôt la cause de l’insécurité alimentaire et donc de l’insécurité tout court. 

Il y a pourtant une incompatibilité de principe entre l’écologie et la dictature et le terme d’écofascisme est une contradiction dans les termes. D’abord le désastre écologique est un processus profondément inégalitaire, il fait exploser les structures d’inégalité : il y aura nécessairement des victimes et il y aura nécessairement des bourreaux : égoïsme absolu de quelques uns, (des multinationales et des lobbies par ex, mais aussi  celui des élites, celui des nantis que nous sommes, le plus souvent indifférents au bien commun et qui pourront même tirer partie de la catastrophe[12]). Ainsi, par exemple, c’est le Sud qui sera la victime et pas le Nord et ne pourront migrer ou se « ruer » en Europe que la frange très réduite des plus fortunés des pays du Sud[13]. Dans le Nord ce seront les plus petits et les plus fragiles qui seront les premières victimes. Et nous de quel côté nous situerons nous, du coté de ceux qui risquent de survivre (comme les milliardaires américains dans leurs bunkers survivalistes au pays des kiwis ?) ou de ceux qui seront condamnés ? 

Et de fait aucune des dictatures existantes, ni celle d’Erdogan, ni celle d’Orban, ni celle de Xi Jinping[14] ne manifestent pas le moindre penchant écologiste, le moindre souci pour les faibles, pour les « non humains », pour les générations futures. Le fascisme qui irrésistiblement ne cesse de monter sait très bien gérer les pénuries de façon inéquitable et violente. Cela ne les rend pas écologiste pour autant. La Convention citoyenne pour le climat que le gouvernement français a lancée montre au contraire qu’il suffit  de prendre les citoyens au sérieux pour qu’ils se sentent responsables et que la démocratie est seule compatible avec l'écologie. Personne pourtant, étant donné la complexité des problèmes et leur envergure planétaire n’est à même d’agir sur l’énorme machine technologique mondiale. Mais la nécessité d’un ordre mondial n’est plus aujourd’hui  occultée par les impératifs des antagonismes Est/Ouest, et l’on a conscience au moins que c’est le monde tout entier qu’il s’agit de sauver et que s’impose l’idée d’une communauté de destin de tous les humains. Un despotisme éclairé à l’échelle planétaire n’est pas toutefois pour l’heure envisageable en cet âge de fermeture et de repli sur soi où la régression nationaliste se repend sur la terre.

 

5eme.  L’auto-destruction. Karl Jaspers, Gunther Anders, Hans Jonas ont depuis longtemps réfléchi à la capacité nouvelle qu’a acquis l’humanité avec la prolifération nucléaire (qui reste un problème écologique majeur) de s’auto-détruire, capacité qui dit quelque chose de fondamental sur l’essence de l’humanité. Jaspers avait cependant la conviction que l’humanité, à la fin des fins, ne pouvait pas vraiment vouloir s’auto-détruire. Mais qui est dans la main de qui ? La technique est-elle en notre pouvoir (Heidegger) et la pulsion de mort, dont parlait Freud, ne fait-elle pas partie de tout processus civilisateur ? Et si vraiment les jeux sont faits, si la messe est (presque) dite que répondre  à ceux qui voudraient profiter à fond des ultimes ressources de la terre puisqu’on ne peut pas les sauver et qu’il n’y a pas de royaume après l’apocalypse? Se libérer de l’angoisse culpabilisante que cherche à générer une écologie punitive, une écologie pénitentielle, celle qui n’aime pas vraiment la vie, cela pourrait être pour certains  connaître enfin l’Ivresse extatique de la destruction. C’est en tous cas l’expérience de pensée que propose le psychanalyste P.H. Castel dans Le mal qui vient.

 

[1] Critiquer c’est passer au crible, séparer, distinguer, distinguer chez Kant le pouvoir légitime du pouvoir illégitime de la raison. C’est une raison qui déraisonne à cause de sa pureté même (des concepts sans intuition sensible) qui est « critiquée » dans la Critique de la raison pure.

[2] Les prévisions de réduction de CO2 étaient revues à la baisse, notre dépendance à l’égard du pétrole affichée et chiffrée, la fonte du permafrost avec dégagement de méthane à effet de serre plus rapide que prévue…

[3] Nous sommes de grands enfants et, comme le disait Pascal, nous aimons à nous faire peur : « Les enfants qui s’effraient du visage qu’ils ont barbouillé… » (fragment 88). N’allons nous pas dans les salles obscures mettre notre vie en jeu par procuration ?

[5] Si on ne peut palier au manque de ressources d’un monde que l’on sait désormais fini – le club de Rome, avec son Halte à la croissance ! (1972) l’avait montré depuis longtemps-, on peut commencer par réduire nos déchets, en CO2, en plastique…

[6] « Lorsque l’effondrement de l’espèce apparaitra comme une possibilité inenvisageable, l’urgence n’aura que faire de nos processus, lents et complexes, de délibération. Pris de panique, l’Occident transgressera ses valeurs de liberté et de justice ». Michel Rocard, 2011.

[7] Il appelle effondrement une situation où « les besoins de base –alimentation, eau, logement, chauffage, transports…- ne sont plus fournis, à un coût raisonnable, à une majorité de la population par des services encadrés par la loi ».

[8] Trois modèles sont en concurrence écrit Philippe Moatti dans le Monde  : l’utopie « techno-libérale », qui décrit une société hyperindividualiste organisée pour une croissance forte tirée par la science et la technologie, avec le transhumanisme comme point d’horizon ; l’utopie « écologique », qui dépeint une organisation de l’économie et de la société tendue vers la sobriété, le « moins mais mieux » ; enfin, l’utopie « sécuritaire », qui renvoie à une société nostalgique d’un passé révolu, attachée à la morale et à la tradition, soucieuse de préserver son indépendance économique et son identité face aux influences étrangères.

[9] Il n’y a pas de panacée, pas de production d’énergie sans contrepartie… le coût global pour la production d’énergie éolienne qui implique des moyens très lourds est 10 fois plus onéreuse que pour l’énergie nucléaire.

[10] Il ne faut pourtant pas cesser de vouloir l’impossible comme le font avec constance ceux qui  participent à des marches pour le climat comme Extinction Rébellion. Même si on peut s’inquiéter de la « dangereuse propagande de l’infantilisme climatique » de GretaThunberg, l’enfant-roi au pouvoir, la Savonarole à couette au visage de cyborg renfrogné, celle qui n’a rien trouver de mieux pour sauver la planète que de faire le grève de l’école, celle qui demande des comptes aux adultes et qui propage sous une forme extrémiste et puritaine une idéologie de la peur qui vise à punir les consommateurs de leur insouciance en les rationnant plutôt que de sauver la planète… on doit quand même se féliciter de voir ainsi  les jeunes renouer avec l’engagement politique.

[11] Le principe responsabilité (1975) répondait au Principe espérance d’Ernst Bloch et à l’heuristique de la peur de Jonas Cette  incitation à la responsabilité, se retrouve finalement dans la mise en garde et la conjuration  développées par le catastrophisme éclairé de J.P. Dupuy. La sagesse consiste non à éviter le pire par des procédures toujours inefficaces mais à considérer la catastrophe comme certaine afin d’en faire un vrai aiguillon démocratique. Seule la panique peut nous faire agir et nous sauver.

[12] Cf. Bruno Latour, Où atterrir ? 2018.

[13] Les migrations africaines auront essentiellement lieu à l’intérieur du continent africain nous disent les démographes contrairement aux prévisions fantaisistes du journaliste Stephen Smith dans la ruée vers l’Europe qui alimentent chez nous tous les fantasmes xénophobes de l’extrême droite.

[14] Les émissions de CO2 continuent d’augmenter en Chine  et si elles croissent moins vite  que le PIB, il ne s’agit là que d’un découplage relatif.

 

CRITIQUE DE LA RAISON ECOLOGIQUE

 

Le temps du monde fini commence. Valéry

Plus personne de normalement cérébré ne doute de la catastrophe.

Aurélien Barrau, astrophysicien.

 

Ce matin j’ai écouté l’interview de P.H. Castel (auteur du livre « Le mal qui vient ») qui annonçait la parution imminente du livre de Pierre Charbonnier intitulé : Critique de la raison écologique. J’essaie d’imaginer cette nouvelle « critique » (au sens kantien[1]) et de rassembler quelques idées autour de l’inquiétude écologique qui, suite à la démission de Nicolat Hulot et au nouveau rapport du Giec[2] s’est cristallisée, début 2018, sous la forme d’une collapsologie au succès médiatique que l’on sait[3]. Le grand livre de Jared Diamond Collapse, Effondrement, paru en 2005 et traduit en français en 2006 est centré sur le modèle de l’ile de Pâques victime d’une déforestation catastrophique, conséquence de pratiques agonistiques et somptuaires. Il est devenu la référence majeure du premier ministre. Dès 2015 le « Comment tout peut s’effondrer » de Pablo Servigne et Raphaël Stevens avait sonné l’alarme mais, en vérité, depuis que le monde est monde, les hommes n’ont jamais cesser de fictionner, de fabuler la fin du monde[4].Le calendrier maya n’avait-il pas prévu le bug de l’an 2000 ?

 

1° : que l’humanité doive disparaître et notre monde s’effondrer est une certitude scientifiquement établie, une issue aussi inéluctable que celle de notre propre mort mais la nouveauté c’est que, dans un monde interconnecté, l’effondrement sera rapide (les espèces n’auront pas le temps de s’adapter) et général (il ne s’agira pas simplement, comme hier, de la seule chute de l’Empire romain ! ). Il n’y a pourtant pas de collapsologie parce qu’il n’y a aucune  « logie »  aucun « logos" aucune science susceptible de prévoir la fin du monde, de donner une date à cette apocalypse sans Royaume qu’on nous promet. Les collapsologues sont des ingénieurs qui ne connaissent que le déterminisme et qui méconnaissent le domaine de la liberté qui est celui de la politique qui a su, naguère, faire face aux pires situations[5]. Les thèses de Yves Cochet (le pic pétrolier, point de bascule, effet de seuil, avait déjà été annoncé pour 2006 ! ), figure historique majeure de l’écologie française, sont à cet égard emblématiques d’un certain faux monnayage : elles prophétisent, sans la moindre démonstration,  la fin du monde pour 2035 i.e, avec la sécheresse et la baisse des rendements agricole et des stocks de pèche, la guerre de tous contre tous, les tueries de masse, la disparition de la moitié de la population[6]... « Le compte à rebours a commencé[7] » affirme Y. Cochet en diffusant ainsi une peur qui risque de paralyser au lieu de mobiliser. Même si le seuil d’irréversibilité semble bien être dépassé (60 % des vertébrés sauvages ont disparu en 40 ans et la biodiversité ne cesse de se raréfier), même si la fin est programmée, l’avenir reste imprévisible et on ne peut parler que d’une apocalypse à bas bruit, d’une dynamique d’effondrement (Dominique Bourg), dynamique à laquelle il faut s’adapter (c’est la Deep Adaptation des anglo-saxons) et non d’un effondrement au sens d’un événement brusque, total et définitif. Le temps de la fin n’est pas la fin des temps. En tout état de cause on ne peut jamais prévoir que l’entropie, que le retour au zéro et à l’indifférenciation d’un système. La vie, disait Bergson, est création continue d’imprévisibles nouveautés.

 

2°.  Parler de capitalocène plutôt que d’anthropocène est peut-être une niaiserie quand on considère que ce sont d’abord les pays communistes restés particulièrement captifs d’une idéologie marxiste prométhéenne et hyperproductiviste, soit la Chine d’aujourd’hui et l’URSS d’hier, qui ont été responsables d'un niveau paroxystique de dévastation environnementale. La Chine qui a heureusement sorti sa population de la misère s’entend aujourd’hui très bien avec le capitalisme qui continue a déforester l’Amazonie pour planter du soja et nourrir le bétail qui fournit à sa population une nourriture carnée. En trois ans, elle a consommé autant de ciment que les Etats-Unis en un siècle…

 

3°. Les gens du Giec viennent soit des sciences dures soit de la biologie, biochimie...  Ils ont calculé que 70 % de la biomasse profite à l’espèce humaine contre 30 % pour le reste des espèces vivantes. Une telle  proportion est extravagante et à terme suicidaire.

Mais le problème de la collapsologie c’est que ce constat alarmant n’est suivi d’aucune proposition économique et politique concrète, d’aucun modèle alternatif d’organisation collective et que, comme telle, elle ne peut  conduire qu'à la désespérance.  Ce qui nous manque c’est l’imagination, nous ne savons en effet pas très bien quoi « faire » et sur quelle manette nous pouvons agir. Ce n’est pas le retour à la permaculture ou aux utopies villageoises qui nous sortiront d’affaire[8]. Comment le colibri de Pierre Rabi pourrait-il jamais éteindre l’incendie que nous, les voleurs de feu, avons allumé ?

 

L’écofascisme. Le réchauffement climatique à 1,5°  est géophysiquement possible (à condition d’arrêter de rêver aux énergies renouvelables[9] et de conserver une place importante à l’énergie nucléaire : soit, en France, au moins 50% de la production totale d’électricité) mais socialement impossible : jamais, dit-on,  le peuple ne renoncera en effet à son confort, à ses avantages acquis (avions, automobiles, téléphones portables… tous dévoreurs d’énergie…) pour se mettre au régime et adopter un mode de vie plus frugal[10]. On ne revient jamais en arrière, c’est ce qu’on appelle l’effet cliquet. Dans ces conditions on est ainsi insensiblement conduit à soutenir l’idée développée par le premier grand philosophe de l’écologie, Hans Jonas[11] que seule une "dictature bienveillante" pourrait prendre les mesures  nécessairement contraignantes propre à sortir l’humanité des énergies carbonnées ou fossiles de la civilisation thermo-industrielle et entamer une véritable décroissance qui est l’unique pilier, l’unique levier disponible susceptible de réduire le réchauffement climatique (qui à un certain niveau stoppe la photosynthèse, empêche le refroidissement des centrales nucléaires, le bon fonctionnement des panneaux solaires…). Car c’est lui le cygne noir, c’est lui qui sera bientôt la cause de l’insécurité alimentaire et donc de l’insécurité tout court. 

Il y a pourtant une incompatibilité de principe entre l’écologie et la dictature et le terme d’écofascisme est une contradiction dans les termes. D’abord le désastre écologique est un processus profondément inégalitaire, il fait exploser les structures d’inégalité : il y aura nécessairement des victimes et il y aura nécessairement des bourreaux : égoïsme absolu de quelques uns, (des multinationales et des lobbies par ex, mais aussi  celui des élites, celui des nantis que nous sommes, le plus souvent indifférents au bien commun et qui pourront même tirer partie de la catastrophe[12]. Ainsi, par exemple, c’est le Sud qui sera la victime et pas le Nord et ne pourront migrer ou se « ruer » en Europe que la frange très réduite des plus fortunés des pays du Sud[13] et dans le Nord ce seront les plus petits et les plus fragiles qui seront les premières victimes. Et nous de quel côté nous situerons nous, du coté de ceux qui risquent de survivre (comme les milliardaires américains dans leurs bunkers survivalistes au pays des kiwis ?) ou de ceux qui seront condamnés ? 

Et de fait aucune des dictatures existantes, ni celle d’Erdogan, ni celle d’Orban, ni celle de Xi Jinping[14] ne manifestent pas le moindre penchant écologiste, le moindre souci pour les faibles, pour les « non humains », pour les générations futures. Le fascisme qui irrésistiblement ne cesse de monter sait très bien gérer les pénuries de façon inéquitable et violente. Cela ne les rend pas écologiste pour autant. La Convention citoyenne pour le climat que le gouvernement français a lancée montre au contraire qu’il suffit  de prendre les citoyens au sérieux pour qu’ils se sentent responsables et que la démocratie est seule compatible avec l'écologie. Personne pourtant, étant donné la complexité des problèmes et leur envergure planétaire n’est à même d’agir sur l’énorme machine technologique mondiale. Mais la nécessité d’un ordre mondial n’est plus aujourd’hui  occultée par les impératifs des antagonismes Est/Ouest, et l’on a conscience que c’est le monde tout entier qu’il s’agit de sauver. Un despotisme éclairé à l’échelle planétaire n’est pas toutefois pour l’heure envisageable.

 

5eme.  L’auto-destruction. Karl Jaspers, Gunther Anders, Hans Jonas ont depuis longtemps réfléchi à la capacité nouvelle qu’a acquis l’humanité avec la prolifération nucléaire (qui reste un problème écologique majeur) de s’auto-détruire, capacité qui dit quelque chose de fondamental sur l’essence de l’humanité. Jaspers avait cependant la conviction que l’humanité, à la fin des fins, ne pouvait pas vraiment vouloir s’auto-détruire. Mais qui est dans la main de qui, la technique est-elle en notre pouvoir (Heidegger) et la pulsion de mort, dont parlait Freud, ne fait-elle pas partie de tout processus civilisateur ? Et si vraiment les jeux sont faits, si la messe est (presque) dite que répondre  à ceux qui voudraient profiter à fond des ultimes ressources de la terre puisqu’on ne peut pas les sauver et qu’il n’y a pas de royaume après l’apocalypse? Se libérer de l’angoisse culpabilisante que cherche à générer une écologie punitive et pénitentielle qui n’aime pas vraiment la vie, cela pourrait être pour certains  connaître enfin l’Ivresse extatique de la destruction. C’est en tous cas l’expérience de pensée que propose le psychanalyste P.H. Castel dans Le mal qui vient.

 

[1] Critiquer c’est passer au crible, séparer, distinguer, distinguer chez Kant le pouvoir légitime du pouvoir illégitime de la raison. C’est une raison qui déraisonne à cause de sa pureté même (des concepts sans intuition sensible) qui est critiquée dans la Critique de la raison pure.

[2] Les prévisions de réduction de CO2 étaient revues à la baisse, notre dépendance à l’égard du pétrole affichée et chiffrée, la fonte du permafrost avec dégagement de méthane à effet de serre plus rapide que prévue…

[3] Nous sommes de grands enfants et, comme le disait Pascal, nous aimons à nous faire peur : « Les enfants qui s’effraient du visage qu’ils ont barbouillé… » (fragment 88). N’allons nous pas dans les salles obscures mettre notre vie en jeu par procuration ?

[5] Si on ne peut palier au manque de ressources d’un monde que l’on sait désormains fini – le club de Rome, avec son Halte à la croissance ! (1972) l’avait montré depuis longtemps-, on peut commencer par réduire nos déchets, en CO2, en plastique…

[6] « Lorssque l’effondrement de l’espèce apparaitra comme une possibilité invisageable, l’urgence n’aura que faire de nos processus, lents et complexes, de délibération. Pris de panique, l’Occident transgressera ses valeurs de liberté et de justice ». Michel Rocard, 2011.

[7] Il appelle effondrement une situation où « les besoins de base –alimentation, eau, logement, chauffage, transports…- ne sont plus fournis, à un coût raisonnable, à une majorité de la population par des services encadrés par la loi ».

[8] Trois modèles sont en concurrence : l’utopie « techno-libérale », qui décrit une société hyperindividualiste organisée pour une croissance forte tirée par la science et la technologie, avec le transhumanisme comme point d’horizon ; l’utopie « écologique », qui dépeint une organisation de l’économie et de la société tendue vers la sobriété, le « moins mais mieux » ; enfin, l’utopie « sécuritaire », qui renvoie à une société nostalgique d’un passé révolu, attachée à la morale et à la tradition, soucieuse de préserver son indépendance économique et son identité face aux influences étrangères.

 

[9] Il n’y a pas de panacée, pas de production d’énergie sans contrepartie… le coût global pour la production d’énergie éolienne qui implique des moyens très lourds est 10 fois plus onéreuse que pour l’énergie nucléaire.

[10] Il ne faut pourtant pas cesser de vouloir l’impossible comme le font avec constance ceux qui  participent à des marches pour le climat comme Extinction Rébellion. Même si on peut s’inquiéter de la « dangereuse propagande de l’infantilisme climatique » de GretaThunberg qui propage sous une forme extrémiste et puritaine une idéologie de la peur, on ne peut que se féliciter de voir les jeunes renouer avec l’engagement politique.

[11] Le principe responsabilité (1975) répondait au Principe espérance d’Ernst Bloch et l’heuristique de la peur de Jonas, incitation à la responsabilité, se retrouve finalement dans la mise en garde et la conjuration  développées par le catastrophisme éclairé de J.P. Dupuy. La sagesse consiste non à éviter le pire par des procédures toujours inefficaces mais à considérer la catastrophe comme certaine afin d’en faire un vrai aiguillon démocratique. Seule la panique peut nous faire agir et nous sauver.

[12] Cf. Bruno Latour, Où atterrir ? 2018.

[13] Les migrations africaines auront essentiellement lieu à l’intérieur du continent africain nous disent les démographes contrairement aux prévisions fantaisistes du journaliste Stephen Smith dans la ruée vers l’Europe qui alimentent chez nous tous les fantasmes xénophobes de l’extrême droite.

[14] Les émissions de CO2 continuent d’augmenter en Chine  et si elles croissent moins vite  que le PIB, il ne s’agit là que d’un découplage relatif.

 

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