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Humeurs en temps de détresse

Humeurs en temps de détresse

Tonalités fondamentales

Grundstimmungen

 

L’effroi

 c’est ce qu’il y a de meilleur en l’homme

Rien ne sied mieux à la vie que le remerciement

Goethe

 

S’il y a, chez Heidegger, une révolution de pensée particulièrement radicale et une révolution à laquelle on peut se sentir totalement accordé c’est celle qui concerne l’approche qu’il propose de ce que l’on appelait naguère « l’affectivité ». On l’étudiait alors en distinguant l’émotion, le sentiment et la passion.

La psychologie, distinguait en effet penser, vouloir et ressentir et la sphère des affects avait une position subordonnée, elle arrivait au troisième rang puisque, sur le sol de la métaphysique occidentale, l’homme apparaissait bien évidemment comme un être vivant raisonnable marqué par cette dualité encore se sensible dans la parole de Pascal : « tout notre raisonnement se réduit à céder au sentiment ».

C’est un renversement complet de notre conception de l’être humain qu’opère la pensée de Heidegger avec cette approche de la Stimmung (de la tonalité)[1]. Le Dasein (l’être humain visé dans son épure de rapport à l’être) est toujours déjà accordé (gestimmt) à une tonalité qui le traverse (durchstimmen) de part en part à la manière musicale d’une mélodie qui donne le ton à une manière d’être qui reçoit ainsi l’unité d’un style.  Tel est le premier élément de constitution de l’exister humain dont l’écoute signe l’ouverture. Il est ouvert au monde grâce à une tonalité (Stimmung) qui, en tous les sens du terme, donne le là, qui redonne voix au monde en faisant vibrer la corde qui nous y relie, qui le met en résonance et nous permet de tenir ouverte la dimension où quoi que ce soit peut avoir lieu : être le la, être le là. La Stimmung comme le ton en français sont des mots aux harmoniques multiples et la langue est par excellence l’espace de résonance de la Stimmung, elle est la mise en résonance tonale du monde celle que les poètes beaucoup plus que les philosophes entendent et à laquelle ils savent répondre[2].

 

Le corps vivant et existant, ce que les allemands nomment Leib et non Körper (à la différence des Français qui n’ont que le seul mot corps), n’est pas un organe ou un instrument de la volonté, il nous « intonne » lui aussi, il est porté par une tonalité plaisante ou sombre i.e. par une entente du monde. Il n’est donc pas un simple « étant » car il se dépasse toujours en direction du monde. Sentir ne se réduit pas à la pure donnée isolée de la sensation, sentir c’est ressentir et l’être-corps, l’expérience sensible relèvent de l’être au monde. « Posséder la vérité dans une âme et dans un corps » selon la parole de Rimbaud, implique que le corporel se dépasse en charnel car les tonalités nous permettent non pas d’avoir un corps mais bien d’être ce corps, de l’habiter dans sa tonalité érotique en mettant en jeu l’intégralité de tous nos sens et d’être ainsi exposé au dehors.  Dans sa toute première lettre à Hannah Arendt (10 février 1925) Heidegger écrit qu’il ne faut pas imager entre les amants  « quelque chose comme une amitié éthérée, où seules les âmes s’éprennent l’une de l’autre, car cela n’existe pas entre les êtres humains ». L’érôs « invincible au combat » (Sophocle) ne se réalise pas dans l’incorporel, il a une intentionnalité propre qui porte non sur les qualités corporelles ou spirituelles de l’autre mais sur sa personne. Amo : volo ut sis , j’aime, je veux que tu sois, je veux que tu sois[3], selon la formule prêtée à Augustin, reprise par Pascal, commentée par Max Scheler. Loin de rendre aveugle l’émotion amoureuse nous ouvre les yeux, nous rend voyant et visionnaire, nous met d’intelligence avec l’autre.

 

Ëtre d’intelligence avec l’être justement ne relève en rien d’une démarche cognitive, être d’intelligence avec l’être c’est proprement y être, comme dit H. Maldiney. « Ce qui s’ouvre, dit-il, c’est le y, comme lieu d’être qui appelle à être »[4].  Être ici est merveille, comme dit Rolke, être ici, le fait d'"y être", est splendeur. Le tracé de la lette "y" le montre. Y, venu de l'ibi (là) et de l'hic latin (ici) a, non seulement,  graphiquement, le tracé du sexe féminin, de l'origine matricielle du monde , il atteste de l'intrication de l'être et du lieu, il montre l'immédiateté spatiale de l'être-là, du Dasein, mais aussi la croisée des chemins, le moment de l'ouverture et de la naissance, de l'hésitation et du choix qui, pour chacun, ici et maintenant, s'ouvrent à chaque fois à la dimension d'un monde. Le fait d’être ici est en effet contingent, fortuit, inattendu ce qui donne à l’existence son éclat et suscite l’émerveillement. Ce que le poète, justement, célèbre, lui qui, dit Rilke, est né pour célébrer. Hiersein ist herrlich, to be here ist glorious.

 

La philosophie est « la plus haute musique » disait déjà Platon celle qui pénètre l’âme le plus profond, celle qui la fait vibrer de la façon la plus énergique pour l’accorder à l’harmonie concertante du monde[5]. Mais s’il y a une « haute » musique c’est qu’il y en a pour lui une « basse » et en effet Platon est le censeur impitoyable de la magie incantatoire de la poésie[6] comme d’une certaine musique. Les harmonies lydiennes et ioniennes, les harmonies qu’accompagnent la trompette et la flute de Pan, celle du satyre Marsyas, prédisposent à l’ivresse dionysiaque, induisent le délire, le vertige de la possession, tout ce qui arrache l’âme à elle même et la livre aux puissances extérieures. Mais Platon est comme Ulysse qui, effrayé par la démesure de la musique, s’était fait attaché au mas de son navire pour ne pas céder à sa puissance irrésistible et pour ne pas se mettre à danser comme un fou de tous ses membres, à en perdre l’esprit. Malgré son dualisme méta-physique il n’est pourtant pas question pour Platon qui développe une théorie savante de l’harmonie de bannir l’enseignement de la musique. Comme la philosophie elle-même dont la voix acquiert une justesse de ton lorsqu’elle épouse le souffle de la voix pensante, la musique est une façon de tresser dans l’unité le même et l’autre et cela jusque dans ce qu’on appelle aujourd’hui la musique atonale…

On aurait tort de ne voir ici et notamment dans le lexique heideggerien que simples métaphores car il n’y a de métaphorique qu’au sein de la métaphysique i.e. qu’au sein du transport (phorein) effectué au-delà (méta) du sensible vers l’intelligible. Or il n’y aucun transport quand on dit, par exemple, que la langue est la maison de l’être car la parole est bien la demeure, celle où l’être humain trouve à habiter et où il se trouve, en effet, à demeure.

 

Il en va de même de la Stimmung, mot qui a pour racine la voix (die Stimme),voix qui, par sa tension (tonos, en grec, c’est la tension), donne le ton pour s’accorder (gestimmen) au diapason du monde et pour nous traverser (durchstimmen) tout entier de part en part de ses vibrations à la manière musicale du mélos et de l’odè (chant) de la mélodie : « Toute âme est une mélodie qu’il s’agit de renouer et pour cela sont la flute et la viole de chacun », écrivait Mallarmé dans Crise de vers. C’est ainsi qu’une atmosphère, qu’une couleur, qu’une humeur résonnent dans la voix, l’atonie et la monotonie elles-mêmes nous faisant renouer avec la musique de fond ou nous permettant de maintenir en éveil la basse continue de la Stimmung. D’où la place importante de la poésie dans la pensée de Heidegger : « Le plain  chant de toute grande poésie laisse toujours entendre son battement au sein d’une pensée », entente qui laisse se déployer l’inexplicable dans toute sa plénitude, entente primordiale d’une tonalité qu’est l’être au monde qui est un véritable verstehen (comprendre), lui même étant aussi un vorstehen, un tenir debout devant quoi nous sommes. Répondre à ce qui a lieu et s’y accorder voilà ce qui tient notre existence, chacun entrant en résonance avec les autres dans une rythmique singulière qui nous porte, nous tient, nous soutient.

Parole et musique venues d’un même souffle, procédant, comme dans le chant homérique, d’un même élan sont un espace de résonance par lequel il y a monde. Comment pourrait-il y avoir « monde » en effet sans la parole des Muses qui, avec une assurance royale, le célèbre et le chante pour qu’enfin il paraisse souverainement tel qu’il est ? C’est ce que, selon Pindare, les dieux, les Stimmende, ceux qui donnent le ton, ont demandé à Zeus après qu’il ait eu mis le monde en ordre. « Viens à mon appel, Muse à la robe d’or ».

 

Cette réhabilitation ontologique  de l’existence dite « affective » nous pouvons l’analyser et l’articuler en quatre temps.

 

1 C’est la Stimmung qui préside à l’ouverture tonale de l’être du là, c’est la tonalité qui « donne le la ». La Stimmung  dit l’accord d’un instrument de musique. Avant tout connaître et avant tout vouloir elle dit ici la modalité fondamentale par laquelle nous sommes accordés au diapason du monde dont nous sommes le là (Da-sein).

 

2 Le propre de toute tonalité est de nous envahir, de nous prendre entièrement, elle n’est donc pas un épiphénomène affectif, fugace et contingent mais la manière dont notre être tout entier s’accorde et s’ouvre non seulement à soi-même mais au monde et à l’être avec les autres dont la Stimmung traduit l’ambiance.  Ce que nous sommes se dit à travers des manières d’être (Weise), à travers les modulations d’une mélodie ou d’un Lied qui échappent à toute identité et dont il revient à chacun de libérer le chant.

 

3  Impossible alors de distinguer, comme le fait la métaphysique, entre un dehors et un dedans, entre l’objectif et le subjectif comme en témoigne par exemple le vers célèbre de Verlaine : « il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville ». Les tonalités nous é-meuvent, nous mettent hors de nous, nous exposent au dehors, elles ont donc proprement un caractère ekstatique.

 

4 Passio, était un terme cicéronien connoté de manière négative. C’était un trouble pathologique (patior c’est souffrir, supporter, subir) qui rend la réflexion impossible et c’est déjà pour rompre  avec l’idéal stoïcien d’apathie et d’ataraxie, idéal qui confine à une arrogante insensibilité, qu’Augustin avait substitué affectus[7] à passio. Mais l’aptathéïa, disait déjà Aristote, est chose inhumaine et les pathémata tès psuchès de la rhétorique ont une grande proximité avec les Stimmungen de Heidegger qui n’ont rien elles non plus de négatif.

 

Les tonalité de fond, les tonalités directrices (Leitstimmungen) sont par exemple la joie, l’ennui, l’angoisse, l’étonnement, l’effroi ou la retenue, elles sont « de fond » parce qu’elles nous permettent d’être accordé de fond en comble et qu’elles révèlent l’étant en totalité. Il en va ainsi de l’ennui profond, de la banalité de l’ennui qui est la révélation du rien mais aussi de la joie qui est jubilation face au « il y a ». A chaque fois l’être humain est mis entièrement face à lui-même et entièrement face au monde, c’est aussi le cas de la tristesse : «  L’être devenu triste se ferme, il devient inaccessible… Tout est comme d’habitude et est pourtant autre ». 

Mais les tonalités fondamentales sont plus particulièrement liées à une époque de l’histoire et à une compréhension déterminée de ce qu’être signifie, compréhension qui fait époque et qui à chaque fois fonde une époque.

 

C’est ainsi que l’étonnement est la tonalité fondamentale qui a porté le monde grec, monde qui fut  saisi par la soudaine étrangeté du familier. « Le propre du philosophe, écrivait Platon c’est bien ce pathos : l’étonnement. De la philosophie il n’y a pas d’autre principe ». L’étonnement a ainsi donné son coup d’envoi et sa frappe à la philosophie grecque qui, aussi rationnelle soit-elle, a toujours eu une essence fondamentalement passionnelle ou pathétique. Sa question fondamentale reste encore celle qu’articulait  Leibniz et que Heidegger examine dans Qu’est-ce que la métaphysique ? : « pourquoi le il y a et non pas plutôt rien ».

 

Stimmunglos ist seit langen der Mensch, il y a longtemps que l’être humain est désaccordé, dépourvu de Stimmung. Depuis que l’être s’est ainsi déposé (ent-setzt) de sa vérité sous la figure du projet moderne de l’arraisonnement (le Gestell qui est l’esprit même de la technique), notre temps est devenu un temps de détresse, détresse redoublée de ne pas être reconnue : l’absence de détresse est la détresse suprême, détresse vertigineuse qui provoque l’effroi (Erschrecken), sorte de taumazein moderne.

L’effroi n’est pas un état banal de la psyché, elle est ce qui dépossède et emporte ceux qu’il saisit quand ils sont « intonnés » de part en part par lui. L’effroi c’est ce qui fraie un chemin dans l’immanence et dans l’immanence de moi-même, ce qui me fait passer outre-moi-même, face à une altérité effroyable : proximité effarante du réel, du plus familier et du plus étrange, effraction de quelque chose qui fait sauter la structure du moi.  La mort est par excellence l’effroi des hommes, et Pascal Guignard a magnifiquement parlé de la fascination qui nous épouvante et nous prend de court devant le lieu d’où vient le désir, devant le secret de la naissance, scène primitive, moment terrible du dévoilement du corps. 

Heidegger écrit également que l’effroi surpasse tout étonnement  et n’a rien de commun avec le sentiment d’épouvante que l’on peut éprouver ordinairement[8]. Mais, s’il a su parler du désir de savoir qui est au fond de l’érôs et de l’angoisse que suscite la mort, l’effroi proprement dit, écrit-il, « fait éclater au grand jour l’abandonnement de l’étant loin de l’être et engage à fonder la vérité de l’être »[9]. Phrase qui pourrait paraître abstraite et sibylline si elle n’éclairait d’un grand jour la dévastation (Verwüstung, l’installation organisée du désert (Wüste)[10]), la puissance du déracinement contemporain, la mise en œuvre du nihilisme. Faut-il y insister ? Il n’y a plus aujourd’hui d’homme mais du capital humain pour les ressources humaines, plus de demeure et de ville ouverte sur la vérité des choses mais des concentrations urbaines uniformes, plus de maison mais des machines à habiter, plus d’agriculture mais une industrie motorisée d’alimentation, plus de fermes mais des firmes, plus de forêt mais des espaces verts, plus de choses mais des fonds disponibles (Bestellbarkeit) pour la consommation, plus de pays ni de contrée mais des territoires technocratiquement aménagés, plus de parole permettant au monde d’advenir, mais un langage computationnel, un système de signes insignifiants et formalisables livrables comme tel à la cybernétique et à l’informatique… En un raccourci saisissant Heidegger peut écrire : être aujourd’hui, c’est être remplaçable[11] (Ersetzbarkeit), être aujourd’hui, c’est être manipulable, être aujourd’hui, c’est être exploitable… Dans le monde dominé par la valeur, unique fondement des échanges entre les humains, Marx l’avait bien vu, tout est désormais marchandisable. La consommation,  devenu le visage actuel de l’être a inauguré le règne de l’usage et de l’usure et rendu impossible l’apparition des choses, qui demandent, elles,  à être soignées, entretenues, ménagées.

 

L’effroi devant la folie frénétique de ce monde est ce qui met hors de soi (Entsetzen) mais cela peut provoquer aussi une libération, une nouvelle proximité au monde, marquer le tournant d’un « nouveau commencement ». « Là où est le danger, croît ce qui sauve », écrivait Hölderlin.

 

Ce n’est pas le moindre paradoxe d’une œuvre qui entendit le cri silencieux de Nietzsche (Die Wüste wâchst, le désert croît) et qui mit en valeur comme jamais, dans toute son étendue et sa profondeur, la catastrophe unique de la modernité que de nous avoir ouvert la possibilité d’ek-sister[12] à l’âge de la dévastation.  La modernité, « ensorcelée par le règne de l’efficience »  a choisi le « faire », l’inconditionnel du pur vouloir secrètement motivé par l’horreur du vide, au détriment de « l’être », mais l’Enteignis, la dépropriation([13]) reste le « négatif photographique » de l’Ereignis[14], de l’appropriation. La critique de la modernité peut ainsi laisser place à l’assentiment, à l’acquiescement, à l’action de grâce. Laisser être les objets de la technique, leur dire « oui » plutôt que les maudire, par exemple, tout en les laissant dehors comme ne nous atteignant pas dans ce qui nous est propre, telle est la Gelasssenheit, le mot de Maître Eckhart, qui donne congé à toute espèce de volonté au profit de l’active retenue par laquelle, pour le mystique rhénan, l’âme se déprend de Dieu pour laisser être le divin (Gottheit).  Rien ne sied mieux à la vie que le remerciement disait Goethe, rien ne sied mieux à la vie que la grâce accordée par l’être, que la châris que l’on peut rendre en retour à l’abondance et au don du il y a. Ca donne, es gibt, dit-on en allemand, mais la métaphysique ne s’est jamais intéressée qu’à la propriété des étants et à leur fondement dans un étant suprême, jamais à la donation qui, elle, est hors fond[15], abgrundig, elle se soustrait en donnant aux étants la possibilté de se manifester.

Mais on ne fera pas l’économie du saut[16], du saut qui nous fait quitter l’être conçu comme fondement pour nous engager là où nous sommes déjà admis : dans l’appartenance à l’être. Le saut n’est pas l’assaut téméraire et aveugle, il vibre au contraire de la tonalité de la retenue[17] : touché par l’être il lui répond, lui correspond et se laisse approprié par ce qui arrive. Il évite la capture du concept au profit du Wink, du clin  d’œil, de l’allusion discrète tel le geste minime de l’acteur du théâtre Nô qui, dit-on, fait apparaître quelque chose de prodigieux.

 

Pindare plus qu’un autre est celui qui se tint dans l’Ouvert ou dans la flagrance et la fulgurance de l’être et qui su dire, dans la IVeme pythique notamment,  ce moment férial dont la gloire est pour les mortels la révélation plénière. Et pourtant, sans la tonalité de la retenue, la gloire serait simple gloriole. L’aïdos, la pudeur est donc instamment exigée par « ce qui vient » et sur quoi il nous faut veiller en une parole aux confins du silence, dans l’attente de celui que Heidegger nomme le dernier dieu, moins un nouveau dieu sans doute que la dimension même du divin.

 

.

 

Qu’est-il ?

Que n’est-il pas ?

L’homme,

Rêve d’une ombre

Mais quand la gloire

Don des dieux

Brille sur les mortels

Douceur de miel

Est la vie

 

 

τί δέ τις;

τί δ᾽ οὔ τις;

σκιᾶς ὄναρ 
ἄνθρωπος. 

λλ᾽ ὅταν αἴγλα

διόσδοτος ἔλθῃ,
λαμπρὸν φέγγος

ἔπεστιν ἀνδρῶν

καὶ μείλιχος αἰών·

 

 

[1] Mot que l’on traduit aussi par sentiment, humeur, état d’âme.

[2] Hartmut Rosa s’est semble t-il souvenu de ce thème heideggérien et en a fait tout un livre : Résonance. Une sociologie de la relation au monde. La Découverte. 2018. Il y soutient la thèse que la qualité d’une vie humaine dépend du rapport au monde, pour peu qu’il permette une résonance

 Il va de même de son livre : Rendre le monde indisponible (2020), la Bestellbarkeit (la disponibilité) étant un autre thème majeur du penseur d’outre-rhin comme nous allons le voir.

[3] Inflexion ontologique qui rappelle que l’amour est le présent de la présence, Gegenwart der Anwesenheit selon la formule de Qu’est-ce que la métaphysique ?.

[4] Ouvrir le rien…, Encre marine, 2000, p. 445.

[5] La République, III, 401 d.

[6] Elle se déclamait, était accentuée, rythmée et la voix, l’incantation de l’imitateur qui parlait en style direct imitant les fous, s’effaçait sous un masque. Il ne doit pas y avoir chez nous « d’homme double et multiple » écrit Platon en 397 e.

[7] De afficere subir quelque chose qui fait impression, l’affectus de ad-facio c’est la tonalité considérée dans sa dimension intentionnelle.

[8] Méditation, p. 170.

[9] Ibid., p. 235.

[10] La déforestation depuis les années 1980, par exemple, atteint désormais l’étendue du continent africain ce qui oblige les animaux sauvages consommés par certains dans des conditions sanitaires d’un marché où la promiscuité est absolument déplorables à se replier aux abords des villes. Les virus sautent les barrières d’espèce et mettent l’humanité en péril. La Chine a beau aujourd’hui parader elle ne pourra pas nous faire oublier que la cause de la crise sanitaire est bien écologique, que la prise en compte de l’environnement doit faire partie d’une véritable économie qui ne se contenterait pas de courir après la croissance et que le côut d’une dictature qui a vécu pendant trois mois dans le déni pourrait être, pour la « planète », astronomique. Mais il reste qu’après ce que Camus appelait L’exil d’Hélène, la raison calculante a hélas intégralement investi l’écologie elle-même.

[11] Questions IV. p. 304.

[12] Alors que l’ex latin exprime d’abord la sortie, l’ek grec dit avant tout l’ouverture sans dehors ni dedans écrit F. Fédier.

[13] « Sans le « non » le « oui » serait dépourvu de force » disait Schelling cité in Heidegger, Pensées directrices, Seuil, 2019, p. 21.

[14] Eigen (propre), eignen (approprier) sont au cœur de l’événement-avènement (Er-eignis, maître-mot de Heidegger). Ce mot est traduit en français en recourant au lexique du propre bien qu’il n’y ait dans l’appropriement aucune valeur ni privative, ni possessive. Paradoxalement être en propre pour le Dasein exige qu’il se dépossède de sa subjectivité auto-fondée devenue, avec l’ego cogito de Descartes, le centre et le pivot du monde réduit à l’état de représentations, pour sortir au-dehors en allant vers ce qui lui advient en propre. Le Dasein n’est pas la propriété du sujet humain (à la différence de la « conscience » qui n’a, en outre, qu’une dimension théorique)  c’est au contraire la possibilité de s’y tenir qui fait l’ex-centricité de l’humain dans sa finitude. Le Dasein n’est pas son propre fondement, il ne choisit ni d’être mortel, ni de venir au monde, ni son corps, ni son sexe, ni ses parents, ni sa contrée, ni son époque…. A l’égard de ce qui nous a été donné et dont n’avons pas la possession nous ne pouvons être que dans la pauvreté et dans le remerciement.

[15] Apports à la philosophie, Gall., 2013, p. 431.

[16] Apports à la philosophie, p. 261.

[17] Apports à la philosophie, p.  53, 147.

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