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L'avortement est-il un crime ?

 L'avortement est-il un crime  ?

Depuis sa légalisation et sa médicalisation l'avortement volontaire n'est plus un "crime" c'est-à-dire un manquement au droit. Est-ce alors un crime au sens d'un meurtre ou d'un assassinat comme veulent nous en convaincre les membres des commandos anti-IVG ? La personnalité de ses membres pourrait sans doute nous inviter à en douter : non seulement des catholiques qui suivent les consignes criminelles d'un pape qui condamne à la mort prochaine des millions d'africains en s'opposant obstinément à l'utilisation du préservatif (et la polygamie est un facteur de diffusion du sida) mais pour la plupart des pétainistes qui se sont compromis sans sourciller avec un régime raciste (Touvier, par ex, a initié ce mouvement) qui a déshonoré la France, des réactionnaires qui, pendant la décolonisation, envoyaient à la mort en toute bonne conscience des résistants nationalistes... Par ailleurs la façon éhontée dont on n'hésite pas à culpabiliser les femmes en état de détresse en leur envoyant gratuitement -ce sont des réseaux US qui financent- des cassettes video véhiculant de fausses informations (comme "le cri silencieux" dénonçant la souffrance du foetus) est scandaleuse, de même que la banalisation de la Shoah à laquelle procède le pape en comparant le cimetières de l'avortement à celui des camps d'extermination. Le caractère suspect de cette offensive ne saurait pourtant nous faire oublier que l'avortement volontaire est toujours un drame pour la femme et que la banalisation de l'avortement serait un symtôme d'un profond déclin des moeurs qui ouvrirait la porte à toutes les dérives eugénistes. Cela attire notre attention sur un acte grave dont les attendus métaphysiques, juridiques, moraux, sociaux et politiques doivent être précisés et sur une loi dont les enjeux sont considérables pour l'avenir de notre société.

Métaphysique. La génétique confirme que les jeux sont faits dès la conception et la métaphore du "programme" semble acréditer la thèse finaliste d'Aristote : l'adulte n'est que l'actualisation de ce qui est en puissance dans le foetus, il devient ce qu'il est, tout est donné dès la naissance ou tout est inné. 

Inévitablement on projette alors sur le foetus l'image de l'enfant qu'il n'est pas encore. Le pape, contre toute la traditon catholique, ne demandait-t-il pas en 2003 à ce qu'on baptise et enterre religieusement les foetus en cas de fausse couche ? 

Face à de tels délires et à de tels dérives, il faut rappeler que, comme nous le montre l'exemple des enfants sauvages, nous devons notre humanité non seulement à la nature mais également au milieu, à la culture dans laquelle les potentialités de cette nature peuvent se réaliser et se déterminer. 

Le problème de la limite qui sépare la chose (le foetus)  de la personne est par ailleurs insoluble d''où la fromule ambigüe pour qualifier cet entre-deux qu'est l'embryon de "personne potenteille. Où faut-il s'arrêter pour penser que l'on est en présence d'une personne, c'est-à-dire, pensait Kant d'un sujet qui est conscient de soi et  dit "je" ? Personne ne peut répondre à cette question et les dates limites d'avortement sont fixées d'abord pour protéger la mère. Les partisans de l'animation immédiate du foetus comme Tertullien s'opposaient déjà au moyen-âge à ceux de l'animation différée comme St Augustin ou St Thomas, la vie humaine se distinguant du pur cycle biologique dans la mesure où il faut introduire des variables comme le développement progressif de l'embryon mais aussi le désir d'enfant de la part de la mère (c'est lui qui donne son statut de personne dans les cas de fécondation in vitro) ainsi que sa liberté de choix, l'existence d'éventuelles déformations... Le spermatozoïde lui-même n'est pas non plus une chose, il est lui aussi une cellule vivante porteur d'informations génétiques et la propagation même de la vie est liée à un immense gaspillage de gamètes et d'oeufs... Quand une femme avorte c'est un crime, disait Coluche, quand un homme éjacule c'est une hécatombe...

 

Histoire. Il a fallu attendre le 18e siècle pour que l'on dissocie l'avortement de l'infanticide et ce n'est qu'à la suite de 10 ans de luttes féministes, jalonnées, en 1973, par le procès de Bobigny (première remise en cause de la loi de 1920) puis par le manifeste des "343 salopes" pour que la loi Veil soit adoptée en 1975.

Politique. En vérité les commandos de la vie dissimulent une offensive contre-révolutionnaire d'envergure visant tout simplement à déstabiliser la laïcité et la République. N'oublions pas aussi que la loi Veil, d'inspiration libérale, a été votée grâce aux voix de la gauche.

Social. Disposer librement de son corps et de sa fécondité est pour les femmes un droit essentiel qui leur permet de se libérer de la fatalité majeure qui pesait sur elles. Leur contester ce droit c'est refuser une société dans laquelle les citoyens sont considérés comme majeurs. Par ailleurs il est difficile de fonder une politique nataliste sur la répression.

Droit. Le foetus est "une personnalité potentielle". En vérité cette expression est un cache-misère, une façon de boter en touche et d'esquiver l'insoluble question métaphysique. Nous n'avons en effet pas de concept ni de norme pour penser et juger ce problème du seuil : à partir de quel moment dans l'évolution d'un être sommes nous en présence d'une personne ? A partir de la fécondation ou à partir du moment où l'enfant est appelé, reconnu, nommé par ses parents ? Le droit évolue et ce n'est qu'au 18e siècle que l'avortement a été pénalement dissocié de l'infanticide : l'homme se définit par ce qu'il est en acte et non par ce qu'il est en puissance de telle sorte que, si on peut empécher de naître des enfants anormaux, on ne saurait mettre fin à leur vie une fois qu'ils sont nés. Seul un débat public peut tenter d'élaborer une sagesse pratique capable de statuer sur ce problème qui est social avant d'être moral et métaphysique comme le montrait justement Ruwen Ogien face à Michael Sandel refusant de mettre de côté la question morale de la "vie bonne". En tout état de cause nous n'avons pas les mêmes devoirs envers un foetus qu'envers une personne. On a du respect pour cette dernière, la vie, elle doit être seulement protégée et les entretiens avant l'IVG ont pour rôle de fixer les limites (10 semaines), d'informer la femme de toutes les possibilités d'assistance de l'Etat et d'essayer de la dissuader. Ce sont d'ailleurs des arguments de droit et de justice montrant l'inefficacité de l'interdiciton, les dangers de son illégalité, le droit des femmes à disposer de leur corps qui ont permis le consensus

Morale. L'avortement clandestin et l'infanticide ont toujours existé. En 1975 il s'agissait de mettre fin à la répression et à l'hypocrisie. L'IVG est un ultime recours, une façon pour la société de prendre en charge humainement et médicalement des femmes qui sont confrontées à un drame et qui le seront toujours tant que l'éducation sexuelle et la contraception (loi de 1967) ne lui auront pas fait perdre toute raison d'être.

 

 

Quand la vie commence t-elle ? La notion d'un tel commencement a-t-il même un sens ? Quel est le plus difficile de naître ou de ressusciter, que ce qui n'a jamais été soit, ou que ce qui a été soit encore, de venir en être ou d'y revenir  ? demande <Pascal (Ft. 222). Mais la conception et la naissance se sont pas un commencement absolu, tout être se précède toujours dans un autre être et cet autre être se précède à la fin dans l'être même de la nature alors que la mort, commencement du non-être est un commencement absolu, sans relation ou rapport avec ce qui le précède.

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