Ravi

L’innocence victorieuse du ravi de la crèche

La grande simplicité mérite d’immenses égards

Paul Valéry

Mais pourquoi parler encore de Noël, de la fête de Noël alors que la plupart d’entre nous sont des hommes de peu de foi et que notre monde semble bien être sortis depuis longtemps de la religion ? Certains déjà, par souci de laïcité, voudraient remplacer la locution de vacances de Noël par celle de vacances d’hiver de la même façon que vacances de Printemps pourraient remplacer vacances de Pâques… De proche en proche c’est tout notre calendrier centré sur la date présumée de la naissance du Christ qu’il faudrait alors complètement réviser !

Trêve de bêtise et de stupidité, qu’on le veuille ou non toute notre histoire, tout notre paysage culturel qu’il soit spatial (les cathédrales !) ou temporel (les jours de la semaine, le dimanche, la plupart des fêtes..) est marqué par une tradition vénérable qui lui donne son épaisseur, sa profondeur et son goût et il serait certainement dommageable de la laisser s’affadir, de la voir s’aplatir ou s’assécher. A un moment où se délitent plus que jamais les repères anciens,  réparer les fondations, faire mémoire des commencements, renouer le fil rompu de la tradition cela pourrait être justement ici notre tache.

Mais ce n’est pourtant pas seulement d’un point de vue historique que nous voudrions aborder la fête de la nativité. Une telle perspective risque toujours encore d’être un point de vue de supériorité et de surplomb et de produire la plus plate des disposition de l’âme : celle du tourisme, de ce tourisme incapable d’adhérer à rien qui est devenu la vérité effective de la religion moderne de l’humanité. Jadis tout le monde était fou dit l’homme d’aujourd’hui à qui on le la fait pas, qui ne croit ni aux héros ni aux dieux, qui rabaisse toute forme de grandeur et qui s’en vante[1]. C’est à rebours d’une telle attitude que nous voudrions méditer c’est-à-dire, comme le montre l’étymologie, prendre soin de ce qui peut encore être pour nous le mystère de Noël pour nous incorporer sa vérité intime. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu l’aborder à travers la seule figure du Ravi, personnage de la crèche provençale qui nous semble résumer à lui tout seul une vérité essentielle qui peut être en outre partagée par tous, croyants ou incroyants.

Ce choix est d’abord pour nous une façon de rappeler qu’il y avait ici, à Quinson, au XIXe une confrérie de santonnier qui émigra ensuite  à Marseille, son lieu de naissance, et que, sur plusieurs générations, la famille Truffier, établie à Gréoux, compta plusieurs santonniers célèbres. La plupart des anciens ici se souviennent encore de l’élégance et de la grande gentillesse de Mme Angelini, la véritable institutrice de Quinson ; elle était née Truffier. Faut-il rappeler que la crèche provençale dû son essor à la Révolution française ? Fin décembre 1791, en effet, puis en pleine la Terreur (1794), les autorités de Marseille avaient décidé de fermer les églises. Les fidèles ne peuvant plus aller contempler ni Jésus, ni Marie, ni Joseph, le Marseillais Jean-Louis Lagnel eut alors l’idée de mouler dans de l’argile des « santons », des « petits saints » que chacun pouvaient alors avoir chez soi.

C’est ensuite une façon de nous inscrire ou de nous enraciner dans une tradition plusieurs fois millénaire, une tradition toujours vivante, toujours féconde, une tradition que chacun peut intérioriser, incorporer, réactiver. C’est d’ailleurs ce que fit l’Eglise naissante elle-même lorsque, après la mort de Constantin (le premier Empereur a se convertir au christianisme), elle ressentit le besoin de s’enraciner dans des traditions populaires et païennes encore très fortes à l’époque. Voilà pourquoi, au IVe siècle, au prix de ce qu’on a pu appeler une véritable OPA, elle fixa la date de la naissance du Christ, date que personne n’a jamais connue, au 25 décembre, c’est-à-dire au moment de la fête païenne des Saturnales[2], fête en l’honneur du soleil. C’était en effet le temps du solstice (sol-sticium, c’est l’arrêt du soleil) d’hiver, c’est à dire le moment où le soleil (sol) est si désespérément bas et immobile (statum) à l’horizon qu’il fait craindre qu’il ne disparaisse à jamais. Mais le sol invictum, le soleil invaincu se rélève à la grande joie des pagani, des paysans, et la nature en deuil s’éveille toute neuve jusqu’au moment où l’astre du jour ne s’arrête à nouveau et, au solstice de l’été suivant, ne triomphe et ne vienne en majesté et en gloire, cette fois-ci, souverainement

De nombreuses cultures  de par le monde (Celtes, Germaniques, Romaines…) célébraient le moment de césure du solstice, heure de minuit, heure de midi, heure de folie, moment de naissance ou de renaissance où le soleil pénètre, comme à Stonehenge, dans le tombeau des souverains. Mais quand l’Eglise, reprenant une parole d’Esaï annonce  « Un enfant nous est né[3] »  (Esaï, 9-6, Psaume 095)), cette formule merveilleuse révèle et donne son vrai sens à tous les véritables commencements. La naissance d’un enfant n’est pllus seulement un événement naturel mais d’abord un événement symbolique, un événement admirable que l’on entoure de gestes rituels.  L’enfant, on l’attend, on le porte, on le présente, on le nomme, on l’introduit dans l’espace public car il est l’unique, l’irremplaçable celui qui, espère t-on, va renouveler l’étoffe de notre monde. Parce qu’il est autre, parce qu’il est neuf, il interrompt le processus cyclique ou répétitif de la nature car il porte l’espérance qui viendra briser la chaîne du retour éternel, conjurer l’usure des choses, sauver le monde de la ruine. Noël, de natalis qui a donné les magnifiques vocables de natal, de natif, de naïf, de nativité est bien la fête du commencement. Lorsque l’enfant paraît en effet, celui-ci est comme le fils de l’homme lui-même (nom que la Bible donne au Messie), l’héritier des nations et son sauveur. Un enfant nous est né, la formule nous rappelle, par la forme passive de son verbe, que nous ne sommes pour rien dans l’événement de la naissance, que l’enfant nous est donné comme par surcroît. Il résume, il récapitule en effet le devenir immémorial de générations et de générations car il vient de très loin, il vient de la nuit des temps tout en portant avec lui tout l’avenir du monde. Neuf, il est pourtant très ancien, héritier, il est aussi promesse de vie nouvelle, accomplissement de l’improbable et de l’imprévu.

 La littérature et la vie toujours se réchauffent l’une à l’autre et, après les lettres du Livre (Biblos, la bible), ou celle des Fioretti de François d’Assise (mis en scène par Rossellini) qui jettent une lumière divine sur la vie, on pense à ce grand roman russe qui porte justement le nom de L’idiot. L'histoire principale est celle du prince Mychkine, un jeune homme de 26 ans, qui rentre au pays après un séjour de cinq ans en Suisse où il était soigné pour « Idiotie ». Bien qu’officiellement guéri, le jeune prince se comporte de manière singulière (idiotes): il est profondément humble et doux, il fait confiance à tout le monde et est toujours parfaitement sincère. Il voit le bon coté chez les gens qu’il côtoie et  s’intéresse sincèrement à eux sans jamais faire acception de leur place dans la hiérarchie sociale.

 

Or, justement, parmi tout le petit peuple de la crèche qui, toujours s’agrandit jusqu’à créer un vrai village provençal[4], le Ravi est celui qui répond le plus spontanément à la merveille de la naissance et qui symbolise et résume la sainteté des autres personnages. Par opposition aux différents santouns, Il n’apporte rien que sa joie communicative, il ne donne ni ne prend mais la surrection de son corps, l’élévation de ses bras est en lui-même un langage du corps bien connu des méditerranéens. Les bras dressés de l’idiot du village, de celui qui prête à rire (et l’idiotès c’est d’abord celui qui est singulier) est un transport de joie, une sorte d’extase, une manifestation de stupeur.

 ; mais une telle posture reprend aussi une très ancienne attitude d’oraison, une manière de prière[5], de reconnaissance, d’action de grâce. Il n’est pas besoin de parler pour exprimer ce que l'on ressent et ici le corps, en tous les sens du terme, a pris la parole, il l’a saisi et il l’a confisqué, lui a interdit de dire ce qui au-delà de la raison, des concepts, du savoir. Il n’est pas besoin de partager une croyance particulière pour avoir quelque empathie à l’égard de ce mysticisme sauvage qui refuse la fermeture du savoir et du discours et ouvre à l’altérité l’espace d’un non-savoir. Ne vivons-nous pas tous à la limite d’une illumination suffoquée ? Toute vie est à la merci de l’extase, de ces moments de ravissement et de plénitude qui ne font qu’un avec le désir de donner, de sombrer, de se perdre.

Sentinelle que dis-tu de la nuit ? demande le prophète Esaï (21-12) dans un texte que les chrétiens considèrent comme un cinquième évangile. Et la sentinelle répond : le matin vient et la nuit aussi.  Tenons-nous en à ce matin du monde, à ce jour qui se lève, à ce commencement que l’enfant révèle et qui frappe d’ouverture notre ravi. Paraisse le jour, paraisse l’enfant, un mystère est enfoui dans ses os. Maintenant nous voici nourris à la source et redevenus vivants, capables enfin de saluer l’aurore et sa chance. Allons la lampe éteinte et rendons les bijoux.

François d’Assise que son père appela du nom de François pour rendre hommage au pays de France créa, dit-on[6], en 1223, la  première crèche vivante dans une grotte en Italie, à Greccio. Qu’il soit devenu chez nous le saint patron de tous les santonniers, qu’il soit présent dans la crèche sous la forme d’un moine cordelier n’est pas bien sûr un hasard.  François, le Poverello qui marqua sa conversion et  fonda son nouveau régime de vie en se dénudant, en rendant publiquement ses habits de galants et de bourgeois afin d’« épouser Dame pauvreté » est sans doute le saint le plus fidèle au message évangélique. N’est-ce pas dans la mangeoire d’une étable que repose le fils de l’homme renonçant à jamais à la richesse, à la force, à la puissance ?  De même le ravi avec son sourire et son bonnet trop enfoncé est un homme modeste, habillé pauvrement mais surtout un pauvre en esprit, il a l’esprit d’enfance, la simplicité de son émerveillement est celle d'un enfant[7].

 de même François n’avait que méfiance à l’égard du savoir et celui qui convertit le loup de Gubbio parlait d’abord aux oiseaux. Con-version signifie retournement, changement de direction et comme François s’entendit à mettre le monde à l’envers ! N’était-il pas le monde de la guerre de tous contre tous ? Mais François, fidèle au message de Noël, fut effectivement un homme de paix, il alla en son temps rencontrer la sultan d’Egypte et mit fin à la guerre entre chrétiens et musulmans (cinquième croisade).  Quand aux ravissements qui vous dépossèdent et vous mettent proprement hors du vous, François que l’on représente en extase, les connut sous la forme de l’effusion mystique[8] mais aussi de l’effusion poétique ou, sans doute, dans sa jeunesse vagabonde, de l’effusion érotique (et après tout, Lou Pistachié représente aussi, dans la crèche, le valet de ferme coureur de jupons et il porte dans  ses deux paniers de pistaches à la réputation aphrodisiaque). Avant de mourir, François écrivit son « Cantique de frère soleil » à la manière des chants des troubadours provençaux que, dans sa jeunesse, il entonnait.

A Quinson, nos petits frères de Foucauld, dans la même tradition de sainteté, ont aussi mis le monde à l’envers et inversé la perspective  sur le modèle des icones de leur humble chapelle. Ce n’est plus l’homme devenu, à la Renaissance, pivot et mesure de toute chose, qui est au centre, c’est le monde qui vient à nous car il est notre demeure, ce n’est plus la terre que l’on s’approprie et que l’on shoote aux engrais chimiques et aux pesticides, c’est nous qui appartenons à la terre que l’on cultive et que l’on respecte. A la place de l'égoïsme sacré des prédateurs que l’on nous donne pour modèle, voici des hommes qui sont simplement présents aux plus petits et qui ont fait le voeu de ne jamais rien posséder[9]. Qu’ils n’aient rien et n’aient pas peur de perdre, est la clé de leur infinie légèreté, de leur totale disponibilité. Voilà qui nous fait apparaître tels que nous sommes, orgueilleux, cupides, sensuels, dépourvus de grâce... Seule la mort pourra nous mettre dans un état de pauvreté absolue qui fut celui de notre naissance, de ce moment où la vie nous avait été confiée.

 

On a tôt fait d’identifier le ravi à l’idiot du village, au benêt de la crèche ou à la niaiserie et à la sottise que l’on peut reconnaître à un gentil fada. Mais le mot fada lui-même qui fait partie du parler marseillais, est un mot  qui a été contaminé par le verbe fadá « ensorceler » et ses dérivés enfadá « enchanter », enfadat « féerique, merveilleux » (Alès) qui proviennent du mot latin fatum, fata « fée » à l'origine « déesse de la destinée » qui est devenu fado, fada en occitan. Et tel est bien l’état affectif de notre personnage, il est émerveillé, ébahi (dit Mistral), saisi, frappé de stupeur, enchanté, ravi, heureux, transporté de joie, extasié, aux anges…

 la naïveté du nouveau venu  

 

Dessin extrait du journal satirique marseillais Le ravi, le mensuel qui ne baisse pas les bras…

 

 

Heureux les simples d’esprit que de contre-sens cette injonction des Béatitudes a-t-elle provoqués ! Simple (du latin pecto plier et de simplex qui vient de semel une fois ou de sine sans) est ce qui n’a pas de plis, qui est formé d’un seul élément comme le tunique du Christ, qui est sincère et non double ou duplice (duplicitas) ou trompeur, ou dissimulé, qui n’a qu’un endroit et pas d’envers alors que l’action humaine ne cesse de produire plis, fioritures, sophistications… Faire l’éloge de l’idiotie c’est donc faire l’éloge de l’étonnement, faire l’idiot c’est faire comme si l’on ne connaissait rien, c’est être vraiment éveillé, être vivant

Innocence de l’enfant, de l’inspiré-possédé, de l’idiot, du Fol en Christ de l’opéra Boris Goudounov de Moussorski des simples d’esprit qui connaissent des choses que les autres ne savent pas.

Il revient à la tradition chrétienne d’avoir érigé la simplicité en vertu en affirmant sans relache que l’âme la plus simple est celle qui est la plus proche de Dieu : je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez donc prudents comme des serpents et simples comme des colombes. Mais disait François de Sales on ne peut pas vouloir être simple ce serait ruse et duplicité. Avoir grand soin de notre perfection et avencement mais « on nous défend d’y penser ». Il vaut mieux la pratiquer que savoir la définir » (Fénelon) elle est toujours déjà là cet état inaugural de l’âme que nous perdons dès que nous commençons à adopter une attitude réflexive beaucoup de gens qui sont sincères sans être simples…il sont toujours à s’étudier eux-mêmes, à compasser toutes leurs paroles et toutes pensées… On n’y trouve rien d’aisé, rien de libre, rien d’ingénu, rien de naturel » Jankélévitch innocence qui préserve la vertu de leur spontanéité.

L’idiot du village. L’idiotie n’est pas la stupidité ni un manque d’intelligence, mais la singularité. Clément Rosset, dans son essai « Le Réel, traité de l’idiotie » nous explique l’étymologie du mot : « Idiôtès, idiot, signifie simple, particulier, unique (…). Toute chose, toute personne sont ainsi idiotes dès lors qu’elles n’existent qu’en elles-mêmes. » la bêtise des humbles est plus intéressante que la sottise des intellectuels car l’intelligence est un instrument de fermeture et de rétention. Comme l’âne de la crèche, figure christique, le ravi est le seul innocent de la crèche. Au hasard Balthasar ! dira Robert Bresson reprenant la devise du comte des Baux de Provence, l’âne gracié et gracieux seul porte un nom biblique, le nom d’un roi !

Le Christ la simplicité se rapproche de l’idiotie idios propre, particulier rester ingénu le prince Mychkine, Fol en Christ de l’opéra Boris Goudounov de Moussorski égaré dans la société perfide de Saint-Pétersbourg. Tout bonnement simplet et sans amour propre de parler ainsi à un laquais la vie moderne dé  truit la vertu de simplicité, la rend presque impossible moyen de simplifier son âme faire l’idiot ça toujours été une fonction de la philosophie s’efforce de voir les choses comme s’il n’avait rien appris, comme s’il n’avait aucun désir, ni passé, ni avenir, ne subissait aucune influence

 

Rien à offrir vêtu pauvrement innocent transporté par un bonheur simple n’en finit pas de remercier pour le pluie le soleil la nuit le jour le vent le temps passé et à venir Portes levez vos frontons qu’il entre le roi de gloire Ps 23 kénose

Entzücken état de l’âme transportée hors d’elle même, privée de sa maîtrise et de sa conscience d’elle-même couronne de l’avent avec ses BOUGIES tradition préchrétienne germanie

 

Les innocents, les fols en christ, humour, bouffonnerie, irrévérence. D’abord le Ravi c’est l'idiot du village, personnage naïf qui n'a rien à offrir, mais qui, touché par la grâce de l'événement, se réjouit de la naissance du Christ. Il est toujours représenté les bras levés au ciel.L’histoire des santons de Provence 

La tradition de la crèche de Noël trouverait son origine au Moyen Age. Certains écrits la faisant remonter à Saint François d’Assise qui aurait le premier mis en scène la nativité en 1223 dans son église de Greccio en Italie : il s’agissait d’une crèche vivante et les personnages furent joués par les gens du village.

Cette crèche a donné naissance à une tradition qui s’est perpétuée. Les acteurs ont été remplacés par des personnages en bois, cire, carton pâte, faïence et verre.

Les premières crèches telles que nous les connaissons font leur apparition dans les églises au XVIe siècle.

La révolution française a ensuite entraîné la fermeture des églises, la suppression de la messe et des représentations publiques de la nativité.

C’est alors qu’en Provence de petits personnages « les santons » ou petits saints ont été crées pour permettre à chaque famille de fêter Noël dans l’intimité de son foyer. 

En 1803 fut inaugurée la première foire aux santons fut inaugurée à Marseille.



La fabrication des santons 

Les premiers santons étaient confectionnés en mie de pain, mais rapidement c’est l’argile rouge de Provence qui a été privilégiée, d’abord en argile crue, puis la cuisson s’est imposée pour diminuer la fragilité de ces petits personnages. Le premier fabricant connu de santons est Louis Lagnel aux alentours de 1800. Depuis, le métier de santonnier a pris ses lettres de noblesse et il s’est ajouté aux métiers traditionnels de la Provence. De nos jours il existe plus d’une centaine d’ateliers disséminés à travers la région.

On peut distinguer 7 étapes dans la fabrication artisanale du santon : 

la création du modèle sculpté dans l’argile crue. Il se tient toujours sur un socle, généralement circulaire et faisant partie intégrante du personnage. Il devra être plus grand que la taille souhaitée à cause du rétrécissement dû au séchage ; la fabrication d'un moule en « coquille » (pour éviter la contre dépouille) coulé en plâtre avec des encoches mâles et femelles permettant de joindre parfaitement les 2 parties ; le moulage en pressant un colombin d’argile fraîche (mais pas collante) dans une des moitiés creuses du moule, en ayant soin auparavant de talquer celui-ci. On presse ensuite à la main les deux parties assemblées. On ouvre le moule, on découpe grossièrement le surplus d’argile (la « barbe ») autour du sujet et délicatement on décroche le santon, qui est mis à sécher ; l’« ébarbage » et la finition pour enlever toute trace de moulage en grattant la « barbe » avec un couteau ; le séchage ; la cuisson où le sujet est enfourné dans un four à 800° environ (cuisson du biscuit) ; la décoration, elle se fait couleur par couleur, avec des pinceaux de décoration. Les premiers santonniers se servaient d’un mélange constitué de pigments en poudre, de gomme arabique et d’eau. Cette peinture était confectionnée par le santonnier lui-même. Aujourd’hui, on utilise les gouaches acryliques, vinyliques etc. disponibles dans le

L’honnèteté élémentaire de peu et d’en bas, des gens simples chez les classes dominantes au contraire la common decency laisse place à l’indécence et à la corruption ceux qui ont trahi, qui se sont coupé des conditions matérielles de la vie quotidienne morale et dignité que la condition humiliée implique sans calcul les gens ordinaires sont toujours restés fidèles à leur code moral plongé dans les bas-fonds à l’écart du pouvoir et de l’argent

Aller plus loin en deça au-delà du spectacle des êtres dressés pour la spectacle un pas encore mystère qui nous introduit dans une réalité qu’il faut bien appeler spirituelle c’est un saint léon Bloy échappé du péché attrait d’une certaine pureté d’une innocence émanant de ceux qu’on appelle justement les innocents tout proche de l’enfance comme l’idiot de Dosto pureté élémentaire opposée à celle des hommes qui par leurs vices tombent plus bas que la bête prend part au mystère de la rédemption ouvre le chemin de l’enfance de cette réconciliation avec l’ordre de la création auquel tout être aspire entrouve une voie mystique présence qui nous fait apparaître tels que nous sommes orgueilleux cupides sensuels imbéciles dépourvus de grâce  souvenir de notre innocence perdue

 

[1] Cf., Charles Péguy Fernand Laudet, un nouveau théologien. « Le fond de sa pensée de M.  Fernand Laudet (qui publia un article sur la Jeanne d’arc de Péguy) est que ceux qui croient sont des imbéciles, que c’est que croire c’est bon pour nous autres imbéciles mais un grand seigneur, un grand, un grand esprit comme lui, vous pensez donc ! Celui qui croit est toujours un peu sot, un peu niais, un peu naïf, un bon type qu’il faut encourager, cela est bon pour les femmes, pour les enfants, pour les curés de campagne, pour les petites gens, pour les pauvres, pour les miséreux mais que nous autres, entre hommes, au fumoir, on sait à quoi s’en tenir et faire la part de ce qui est raisonnable ». Cité dans La philosophie de Péguy ou les mémoires d’un imbécile de Camille Riquier aux PUF. «Si un jour je fais mes confessions, je pourrais les appeler Mémoires d'un imbécile» disait Peguy dans Notre jeunesse s’insurgeant contre la suffisance de ceux qui croient savoir sans savoir qu’ils croient. Et le mot ne vient pas là sous sa plume par hasard. L'imbécile est quasiment un concept chez Péguy (comme l'idiotie en est un chez Deleuze, qui fait de l'idiot un personnage philosophique à part entière). Il y a d'ailleurs plusieurs sens à cette imbécillité. C'est l'opposition entre les naïfs, ceux qui restent à leur place, et les «malins», ceux qui réussissent, dont nous parlions. Mais il y aussi une forme d'imbécilité qui s'entend comme crédulité : il raconte qu'à 20 ans, il a cru naïvement au socialisme, et il revendique cette forme d'imbécillité comme une forme de noblesse d'âme, qui se retrouve dans le peuple, qui se trouve surtout dans la jeunesse. Il a été trompé par ses maîtres en socialisme. Il fut un imbécile, comme tous ceux qu'on dupe. Mais il est pour lui encore préférable d'avoir été un imbécile plutôt qu'un homme très intelligent qui, prudent, n'y aurait jamais cru. Car en ce sens, être imbécile, c'est rester fidèle à une mystique. C'est tenir sa place dans un monde qui ne tient pas en place. Il y a, enfin, une imbécillité chrétienne : la pureté du cœur. L'imbécilité, c'est la simplicité d'esprit des Évangiles. Je crois comme un imbécile, dit-il, je suis aussi bête que Jean-Chrysostome et que Saint Augustin, je n'ai pas fait de progrès. Ce qu'il y a de plus cher dans son cœur, ce qui l'a fait tenir debout, c'est d'être resté un simple d'esprit, qui préserve en lui le souvenir sacré de l'affaire Dreyfus, qui lui donne ensuite et dans son prolongement, de croire en la foi catholique, avec la même sincérité.

[2] Le jour de Noël fut institué le 25 décembre en l'an 354 de notre ère par le pape Liberius. Les Saturnales, grande fête d'origine agricole en l'honneur du  « Soleil invaincu » durait sept jours entiers, du 17 au 24 décembre au moment du solstice d'hiver. Inversion parodique des rôles entre maître et esclave, abolition des distinctions sociales, festins et beuveries, distribution de cadeaux et de gâteaux avec fève pour élire le roi du désordre, maisons décorées de végétaux  restant toujours verts, comme, beaucoup plus tard le sapin de nos fêtes, l’arbre de vie avec ses pommes, devenues chez nous boules de Noêl. Autant de caractéristiques que le christianisme prendra en charge.

 

[3] Car toute chaussure qu'on porte dans la mêlée, Et tout vêtement guerrier roulé dans le sang, Seront livrés aux flammes, Pour être dévorés par le feu. 6Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, Et la domination reposera sur son épaule; On l'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix. 7Donner à l'empire de l'accroissement, Et une paix sans fin au trône de David et à son royaume, L'affermir et le soutenir par le droit et par la justice, Dès maintenant et à toujours: Voilà ce que fera le zèle de l'Eternel des armées.

 

[4] Les animaux jouent un rôle de premier plan comme le bœuf ou l’âne réchauffant l’enfant de leur souffle. Plus que les paysans et artisans c’est le berger portant l’agneau avec sa grande cape, sa gourde, sa musette et son bâton qui a un rôle prépondérant, celui d’un messager, il annonce la nouvelle de la naissance de  l’enfant répondant à l’appel de l’ange boufaréu posté sur le toit de l’étable  ce pour quoi on appelle la crèche la Pastorale. Lou Conse (le maire), écharpe tricolore et montre en or inscrit Jésus sur le livre d’état civil du village, le curé est chauve et bedonnant. Le Tambourinaire avec tambourin, galoubet, chapeau, gilet et taïole rouge mène la farandole suivi des farandoleuses habillées en arlésienne. Les rois mages vêtus à l’oriental chargés d’offrande sur les dromadaires arriveront pour l’épiphanie. Mais ne manque jamais le ravi « pense qui a peut-être été contaminé à la fois par Roustido, le notable qui apparaît à sa fenêtre en bonnet et chemise de nuit, tout surpris qu’on le réveille et qui à l’annonce de la “grande nouvelle” lève les bras au ciel dans beaucoup de mises en scène et par Jiget, le valet de ferme un peu stupide.

 

[5] « Une prière en gestes et sans mots » écrit Valère Novarina dans un texte qui aurait pu s’appeler L’innocence victorieuse.

[6] Ce fait est en partie légendaire : dans les « mystères » médiévaux on mimait déjà la nativité sur le parvis des églises. Cf., Françoise Lautman, Crèches et traditions de Noël, Ed. de la Réunion des Musées nationaux, 1986, p. 39.

 

[7] Cf., Luc 18:16 : « Et Jésus les appela, et dit: Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent.  Et le royaume de Dieu dit le même Luc il n’est pas promis, on ne l’épie pas, on ne l’attend pas, il est là ici et maintenant, « au-dedans de vous" (Luc 17:20-21), «  il est arrivé en vous ». On peut penser à l’innocence des êtres des premiers romans de Giono et à ce qu’il appelait la rondeur du jour. Ainsi dans Que ma joie demeure ce personnage qui, dressé et les bras en l’air évoque le ravi : « Moi je vous dis que c’est ce que vous donnez qui vous fait riche. Qu’est-ce que j’ai moi, regardez-moi. Il se dressa. Il se fit voir. Il n’avait rien. Rien que son maillot et, dessous, sa peau. Il releva ses grands bras, agita ses longues mains vides. Rien. Rien que ses bras et ses mains.
– Vous n’avez pas d’autre grange que cette grange-là, dit-il en frappant la poitrine. Tout ce que vous entassez hors de votre cœur est perdu ».

 

 

[8] Dans « Couplet sur une extase de pure contemplation », le grand mystique Jean de la croix  retrouve et décline tous les sens du mot ravi qui vient de rapire, rapere enlever de force

 : « J’étais là tellement ravi/Tout absorbé et hors de moi, comprenant sans comprendre, incapable d’en parler car je demeurai sans rien savoir/A mesure que je montais de moins en moins je comprenais/C’est là cette nuée ténébreuse qui donne la lumière à la nuit. »

 

[9] « Ne vous procurez ni or, ni argent, ni monnaie à mettre dans vos ceintures, ni sac pour la route, ni deux tuniques, ni sandales ni bâtons ». Matthieu, 10-9.

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