écologie

Vingt propositions sur l'écologie

 

 

 

 

 

 

"Homme, j'ai peur de ton feu"

René Char, le marteau sans maître.

"La maison Terre brûle,

mais nous regardons  ailleurs"

J. Chirac

 

(Ce texte a été écrit en vue d'un colloque à Ouagadougou qui se poursuivra l'année prochaine. Le sujet de ce colloque était intitulé: Ecologie et Développement. N'ayant pu m'y rendre j'avais rédigé ce préambule).

 

Permettez-moi de me présenter ; ma venue ici, à ce congrès, n’aurait rien eu de fortuit. J'ai quitté Ouagadougou en juillet 1986, l'année même où un de mes collègues soviétiques avait donné une conférence sur l'écologie. Le fond de son argumentaire tenait à peu de chose :  seul un régime socialiste, disait-il,  était en mesure d'avoir une politique environnementale planifiée et cohérente. C'était le 25 avril 1986. Sans doute oubliait-il allègrement les catastrophes monumentales provoquée par la marche forcée à l'industrialisation à la quelle Staline avait soumis l'URSS, l'assèchement de la mer d'Arral, la pollution du lac Baïkal en sont des exemples mémorables. Mais, si je me souviens de cette date c'est parce que, le lendemain, le 26 avril   1986, comme un démenti cinglant et cruel à ses propos, la fusion d'un des réacteurs de Tchernobyl allait contaminer non seulement les "nettoyeurs" mais des dizaine de millions de personnes. Il s'en était fallu d'un rien pour qu'il n'explose, pour qu'il rase la ville de Kiev, pour qu'il rende la Biélorussie et l'Europe elle-même inhabitable et impropre à la vie.  L'apocalypse nucléaire aurait alors soufflé une bonne partie de l'humanité.

 

A la propagande soviétique qui, à l'époque, secondé par les gentils propagandistes envoyés dans le tiers-monde par la Corée du Nord, essaimait sur le continent,  nous avons fait face sans relâche comme nos pères l'avaient fait quand la puissance de souffle du totalitarisme nazis avait, une première fois, fait vaciller l'humanité. Nous avons vu alors de très prêt, ici même à Ouagadougou, qu'un autre monde était possible ; mais ce monde était celui du  parti unique et de la police politique, celui du privilège des apparatchiks et de la pénurie économique, celui du mensonge d'Etat, du Goulag et des hôpitaux psychiatriques, celui du rideau de fer et des murs de la honte...

 

Je devais revenir à Ouagadougou un quart de siècle après dans un paysage idéologique qui a été complètement bouleversé.  Le système communiste s'est presque partout effondré ; il a cessé de faire rêver les collègues  ou les étudiants africains que j’ai pu rencontrer. Sans demander de compte à personne, la Chine-Afrique remplace rapidement la France-Afrique. Dans une parfaite neutralité idéologique, elle fait des affaires, place ses entreprises et rachète les terres du continent.  Le long cortège de catastrophe qui accompagne une modernité enivrée du vent du progrès nous fait pourtant maintenant entrevoir un péril nouveau qui est sans doute bien plus insidieux que les précédents. Avec la conversion de la Chine à l'économie libérale, nous sommes entrés dans un monde globalisé qui, cette fois-ci, n'a plus d'ailleurs. Tous les pays sont invités à entrer dans la danse et dans la course folle à la croissance mais ce monde sans « ailleurs » risque, à tout moment, d'imploser. Pris dans la tempête, nous ne pouvons qu'observer le spectacle et comme un naufragé monter sur le mât de fortune du radeau sur lequel nous nous sommes réfugiés (la métaphore vient de Benjamin), contempler l'ampleur du désastre.  Si nous ne croyons plus qu'un autre monde soit possible ni que le développement durable soit plus qu’une ruse de l’idéologie libérale productiviste, il nous appartient cependant d'organiser le pessimisme, de faire ressource de l'énergie du désespoir afin de réduire, autant que faire se peut, les effets désastreux de la catastrophe sur les personnes qui y sont le plus immédiatement exposées.

 

En un raccourci glaçant, l'histoire de l'ile de Pâques, perdue dans le Pacifique,  nous offre la vision de ce qui pourrait bien être, à très brève échéance,  le destin de notre Terre. Bien des sociétés se sont ainsi « effondrées »[i]  victimes de la surexploitation de leurs ressources naturelles.[1] Mais avec la globalisation capitaliste, c'est  la planète elle-même[2] qui, après le suicide collectif des deux guerres mondiales, risque de connaître un effondrement définitif, écologique celui-la. L'histoire de l'homme depuis le néolithique est sans doute une histoire de bruits et de fureur mais ce qui distingue les périls aux quels la modernité est affrontée est qu'ils sont absolument sans précédent. Quels sont les poisons qui ont anéanti l'Europe, quel est celui qui, avec l'universalisation du modèle occidental, se diffuse sournoisement aujourd'hui et en quoi le remède dit du « développement durable », si communément proposé, si unanimement invoqué, cristallise-t-il désespérément des exigences contradictoires, peut-être finalement illusoires et suicidaires ? Mais d'abord comment donner un nom, une visibilité et  une cohérence à ces  tragédies  passées et à celles, futures, avec lesquelles l'Occident triomphant pourrait bientôt achever sa course folle  ?

 

1 - Liberté, égalité, fraternité, soit le bleu, le blanc et le rouge pour redonner des couleurs, avec Kieslovski, à cette formule devenue si désuète, si pâle, si affadie. Il ne devrait pourtant désormais plus être permis à personne d'en douter : c'est sur le socle de ces trois principes, sur leur limitation respective, sur la contradiction des deux premiers et la relève dialectique que constitue le troisième, que pendant quelques décennies la République s'est construite et, tant bien que mal, a vécu. Et tous les périls mortels que nous avons affrontés au cours du dernier siècle, tous ceux qui nous guettent aujourd'hui peuvent apparaître comme autant de façons de désarticuler cette matrice trinitaire au profit exclusif d'un seul principe, motivant ainsi un emballement paroxystique, une montée aux extrêmes catastrophique qui  engendre à chaque fois un nouveau monstre. Montrons-le.

 

2 - Réaction romantique contre l'esprit des Lumières, la fraternité fondée, elle, sur le sol et le sang, la fraternité scellée dans le combat, la nostalgie communautariste et la quête fusionnelle de l'Un (un peuple, un chef), la croyance en l'inégalité des hommes et en la supériorité de la race aryenne ont d'abord nourri et justifié la révolution nationale. Le fascisme, au lendemain de la crise de 1929 qui mit l'Allemagne à genoux (retrait brutal des capitaux américains),  a failli mener l'Europe au suicide et, pour la deuxième fois en un siècle, nous a appris que nous autres civilisations étions bel et bien mortelles. Les Trente Glorieuses ne nous l'ont fait malheureusement que trop oublier, comme si nous pouvions toujours digérer les pires abominations.

 

3 - La révolution communiste a trouvé sa justification dans la volonté de réaliser l'égalité parmi les hommes. Or, nous savons que non seulement le communisme réel n'a rien moins été qu'égalitaire et "soviétique", mais que ce régime liberticide, dans une rivalité mimétique avec l'Allemagne nazie, a conduit l'Union Soviétique  à instaurer un Etat totalitaire particulièrement meurtrier qui, à plusieurs reprises, fit courir au monde le risque de l'apocalypse nucléaire.

 

4 - Si le fascisme fut la fraternité sans l'égalité et sans la liberté, si le communisme a voulu être l'égalité réalisée mais sans la liberté, le libéralisme (libéralisme économique ou ultra-libéralisme, la revendication de la liberté sans entrave du marché), fait époque aujourd'hui et peut apparaître désormais comme la liberté sans l'égalité. Et la montée extravagante et explosive des inégalités (à l'intérieur des nations comme entre les nations) a aujourd'hui atteint un  niveau comparable à celui qui existait dans l'Ancien Régime. Le libéralisme devenu planétaire et sans rival pourrait ainsi assez rapidement déboucher sur la troisième et sur la pire tragédie de la modernité. Il a en effet déclencher une crise environnementale sans précédent et peut trouver dans le chantage à l'urgence et à la terreur qu'il entretient, l'occasion de créer une union sacrée pour le sauvetage de la planète. En désamorçant toute velléité de résistance, il pourrait de cette façon verrouiller "le système" et bloquer efficacement toute tentative d'évolution sociale.

 

5 - Le développement exponentiel du capitalisme a pourtant réussi, en un temps record, à réduire la misère sur la planète, à donner à l'homme  et en particulier à l'homme d'Occident un niveau de confort que, dans la courte  histoire de l'homo sapiens, il n'avait jamais connu. Et nous savons d'expérience qu'aucun autre système économique n'est à même de rivaliser avec son incroyable dynamisme.

 

6 - Mais le développement sans frein du capitalisme, sa fuite en avant, sa course éperdue dépourvue de terme et de fin (de finalité)[3] provoque avec le développement tous azimut de la production, la destruction irréversible de ce que l'on appellera, avec les verts, "l'environnement" sans se rendre bien compte qu'avec ce terme anthropocentré,  réservé naguère à l'animalité (L'Umwelt, nous rappelle Michel Deguy[4], n'est pas le Welt qu'il s'agit de sauvegarder, Welt par lequel il y a des choses et non des objets), on transforme ainsi déjà  en objet de connaissance indéfiniment reproductible et marchandisable notre oikos, notre écoumène[5], notre habitation terrestre. L'idéologie du "toujours plus", c'est celle du plus de jouir (au double sens du terme) selon l'expression de Lacan, la construction du leurre d'un sans limite, celle d'une marchandise toujours annoncée mais toujours décevante (cf. les métamorphoses du téléphone portable), d'une jouissance où le désir du sujet s'engouffre et se perd en se soumettant au discours capitaliste. En vérité c'est notre "oïkos" (d'où vient notre concept d'écologie), notre habitation sur la terre qui est aujourd'hui menacée par le consumérisme, i.e. par le capitalisme devenu mode de vie. Le tout de l'étant est devenu consommable et c'est maintenant par internet que l'on passe commande, achevant ainsi de détruire notre mode d'être au monde ; il y a vraiment péril en la demeure. L'écologie politique a depuis longtemps tiré la sonnette d'alarme et le souci de sauver la planète d'un géocide catastrophique pour les vivants, d’une déterrestration ou d'une destruction irréversible de notre ecosphère est devenu pour la plupart des humains une urgence politique de premier rang. Le mot d'ordre n'est plus aujourd'hui socialisme ou barbarie[6] mais écologie ou barbarie. Car ce sont les pauvres eux-mêmes qui aspirent à la consommation luxueuse et ostentatoire des riches dont l'utilité marginale ne cesse de décroître tandis que croissent les coûts écologiques (pollution de la Terre i. e. de l’eau, des terres et de l’atmosphère).

 

7 - Ce n'est pourtant pas de l'écologie libérale que viendra la réponse. Le développement durable, le sustainable development, c'est la continuation de l'économie néoclassique par d'autres moyens, une astuce ou une ruse visant à la pérenniser et à perpétuer le cycle production/consommation. L’écologie libérale cherche en effet à tout changer (la technologie) afin que rien ne change (la sacro-sainte "croissance" à l'addiction de laquelle nous avons succombé et qui est la condition transcendantale du libéralisme) et à graver dans les esprits que du marché et du business couplé avec une technologie de pointe viendra la réponse aux problèmes qu'ils ont engendrés, comme si la croissance était la solution et non le problème, comme si la dette thermodynamique, la production de désordre et d'entropie que génère toute croissance et production de l'ordre pouvaient, dans nos « sociétés chaudes » (fonctionnant grâce à la différence de potentiel que constitue les différentes formes de hiérarchie sociale), être indéfiniment réduites. Les économies occidentales ont toujours pris l'énergie de leur croissance hors d'elles-mêmes via l’esclavage, la colonisation, la domination géostratégique. Mais, comme le montre Harald Welzer[7] lorsque ce type d'économie en vient à se globaliser, le système entier tend à imploser : une économie globale n'a plus d' « ailleurs » à exploiter à ses propres fins.

 

8 - Cette politique s'exprime de façon particulièrement éclatante dans une série d'oxymores à fonction idéologique devenus aujourd'hui monnaie courante dans la novlangue libérale. L'oxymore est une alliance de mots contradictoires destinée à gommer ou à masquer les contradictions, à unir ce que la réalité oppose. Il a pour fin de manipuler l'opinion, de paralyser les esprits et de les mettre au pas. Georges Orwell dans 1984 en a donné le modèle et fait la théorie ("La liberté c'est l'esclavage"). Ainsi, de même que l'on parle désormais couramment de guerre propre, de frappes chirurgicales ou de commerce équitable, on cherche à promouvoir le développement durable, la croissance verte, l'Europe sociale, le marché civilisationnel, l’ajustement structurel à visage humain, l’ingérence humanitaire… et on nous promet même,  comble de cette obscure clarté, de moraliser le capitalisme.

 

9 - Il n'est pourtant pas besoin d'être grand clerc pour s'apercevoir que le concept de développement ou de croissance, concept importés de la biologie, enveloppe l'idée d'une progression sans limites, continuant à l'infini, idée parfaitement incompatible avec les ressources finies qui sont celles de la planète : le temps du monde fini, pour reprendre l'expression de Valéry, a depuis longtemps commencé et notre biosphère si fragile, cette exception presque miraculeuse dans un environnement vide et glacé (Bertand Meheust), ne pourra pas longtemps supporter cette croissance continue surtout maintenant que la Chine et l'Inde sont entrées dans la course. Veut-on des exemples ? Se rend-t-on compte du coût en amont et en aval de l'énergie verte ? De la quantité d'énergie considérable demandée par la fabrication des cellules photo-voltaïque, de l'énorme  pollution que provoquent les panneaux de goudron des capteurs solaires qu'il faut renouveler tous les 25 ans, de l'incapacité dans laquelle on est de recycler, au bout du même temps, les matériaux des éoliennes, par exemple ? De l'incitation à augmenter et non à réduire la consommation que l'énergie verte va inévitablement provoquer comme l'a fait jusqu'ici tout gain de productivité ? A la suite du succès du film d'Al Gore "une vérité qui dérange", Hollywood a trouvé dans le film vert comme un second souffle, le moyen de relancer sa production. Le catastrophisme tapageur fait recette, le réchauffement climatique est devenu le nouveau monstre à abattre et la peur des menaces qui pèsent sur la planète exposées sur la scène du spectacle, fait désormais délicieusement frissonner les foules tandis que le cinéma écolo continue de polluer les terres californiennes en produisant 140 000 tonnes de déchets par an. Que Nicolas Hulot n'ait pas hésité à bénéficier des subventions De Rhône-Poulenc, d'EDF ou de L'Oréal relève sans doute du même modèle : la volonté de concilier productivisme libéral et défense de l'environnement est un leurre qui permet au système de durer coûte que coûte  le prédicat « durable » devenant, dans la novlangue libérale un argument de vente et une incitation à la consommation devenue véritable addiction. De même, malgré ses bonnes et généreuses intentions le tourisme vert, lui aussi, est pour une part une tromperie et une mystification : les relations d'indétermination de Heisenberg nous ont appris qu'on ne peut connaître à la fois la position et la vitesse d'une particule puisque l'artefact technique nécessaire à l'observation modifie inévitablement la trajectoire de la particule. De façon analogue,  découvrir la richesse des sociétés traditionnelles c'est en même temps, en les connaissant, les faire inexorablement expirer, quelle que soient les précautions prises. Les organisations du type Tourisme et développement solidaire (TDS) ne risque que de donner  bonne conscience aux hordes de touristes,  qui, quelles que soient leurs vertueuses intentions, seront toujours touristes de passage.

 

10 - On conçoit dans ces conditions que seul un changement radical de système peut offrir une solution cohérente. Du possible ou bien j'étouffe, écrivait Kierkegaard ! et ici, plus que jamais, une réflexion sur le possible, sur cette catégorie si intéressante de la modalité, est le principe de toute véritable action politique. Un autre monde est possible, c'est le slogan de tous les alter mondialistes et il mérite d'être soigneusement examiné. Il est clair en effet qu'a priori l'impératif de la décroissance, diversement modulé (croissance dans tel domaine, décroissance  ou auto limitation dans tel autre) aussi intempestif qu'il soit, est la seule façon de tenir tête à la folie du monde.  La production d'une protéine animale, par exemple,  exige la production de huit protéines végétales, aussi la réduction drastique de la consommation de viande serait seule en mesure de résoudre la question de la faim dans le monde, faim  qui concerne encore un milliard d'êtres humains. L'alternative à l'apocalypse en marche serait la croissance zéro inventée en 1972 par les industriels et les fonctionnaires  du club de Rome, devenue aujourd'hui, impératif de la décroissance  : ne pas épuiser notre capital naturel, consommer moins pour produire moins, le manger bio, la frugalité, la bicyclette, la réduction de l'empreinte carbone, la réduction de l’empreinte écologique[8] le co-voiturage bref l'économie et la régression en deçà des bifurcations où ont été faits les mauvais choix, le retour à l'âge où l'on consommait moins, (on consommait trois fois moins en 1960...). Mais qui a déjà vu que l'histoire retournait en arrière et comment l'homme pourrait-il renoncer à  la puissance d'arrachement et de dépassement qui l'a toujours défini ? Et surtout qui  oserait imposer le tiède conformisme de la « restriction » (Jonas), la logique triste et dépressive du rationnement, « l'ivresse joyeuse de l'austérité partagée » comme dit le nouveau prêtre des « objecteurs de croissance », Serge Latouche[9] ? Ces propositions  d'"'économie" sous toutes ses formes, bio-économie  cybernétisée, systémisée, seraient contrôlées par les gestionnaires de la biosphère, ces experts en bonnets de nuit qui condamnent toute cette humanité de prodigues, de jouisseurs, toute la foule des oisifs, des buveurs et des vérolés illustres pour qui la santé n’est pas la valeur suprême et qui  démentent par leur seule existence l'ordre de l'intérêt et de la continence. G. Bataille est ici incontournable : c’est dans la dépense glorieuse et improductive que « l’espèce humaine cesse d’être isolée dans la splendeur sans condition des choses matérielles »[10]. La décroissance que l’on ose même conseiller aux pays les plus pauvres,  apparaît bien comme une démission, un désaveu de l'humaine raison et, qui plus est, comme une lubie utopique et cela à plus d'un titre.

 

11 -  D'abord avec de la morale et des bons sentiments on fait de la mauvaise politique et les thématiques de l'écologie radicale relèvent encore de la morale la plus lénifiante, de l'esprit de conformité citoyen le plus vertueux dans la mesure où elles continuent à exhorter l'humanité qui est devenue son propre et son seul ennemi à abjurer son matérialisme, à restreindre sa consommation, à renoncer au progrès, à assigner des limites à ses pouvoirs. Un tel discours c'est l'irruption de la banalité dans la philosophie, une façon de ramener la pensée sur un terrain plat, une dénégation des conditions réelles de la politique qui commence là où finit le consensus. Or sur la catastrophe annoncée, celle que nous réserve la dégradation de l'écosystème victime de l'activité humaine, il y a un quasi et atterrant consensus : on peut dire aujourd'hui que le public le plus large dûment formaté et normalisé en a pris conscience répétant à l'envi : notre modèle de développement fondé sur la croissance et la maximisation des intérêts de chacun apparaît chaque jour moins tenable, moins susceptible de "durabilité", il faudrait cinq planètes pour que l'american way of life puisse être universalisée et, depuis que la fragilité a changé de camp (ce n'est plus celle de l'homme mais celle de la nature) c'est notre mode de vie que nous devons revoir de fond en comble. Mais qui a déjà vu qu'on désarmait le mal par la vertu d'une prise de conscience qui vous replie sur vous-même et qui exige un prix si exorbitant ?

 

12- A vrai dire la seule fonction du discours de terreur que l'on prodigue aujourd'hui généreusement aux masses est d'induire des conduites de soumission afin de servir de prétexte à la transformation du capitalisme libéral en capitalisme autoritaire, soit de faire prendre à l'humanité le tournant post-démocratique qui reliera  bientôt Washington à Pékin. Comble du comble ce sont en effet les groupes industriels du néocapitalisme vert, ceux  qui sont à l'avant garde du désastre qui entendent nous faire reconstruire le monde qu'ils ont détruit en le rendant rentable sous couvert d'écologie, de solutions alternatives, de salut de la planète, de défense de l'environnemt[11]. Lamentable métamorphose de l'heuristique de la peur que Hans Jonas, le pionnier de l'écologie, avait tirée de la philosophie de Hobbes (il ne faut pas avoir peur de la peur mais en faire une méthode de résolution des problèmes, une heuristique) et qui nous commandait, en situation d'incertitude, d'envisager le pire dans les effets à long terme de notre action, l'appréhension du summum malum, la peur de la mort violente et non l'idée du summum bonum pouvant seul fonder la paix civile et la sauvegarde de la vie. L'heuristique de la peur (ancêtre du principe de précaution) est devenue principe de soumission aux princes de ce monde et autres semenciers, cyniques franchiseurs de frontières spécifiques qui sont à vrai dire plutôt marteaux ou argent sans maître : l'humanisme -la prétention pour l'homme d'être maître de sa propre histoire- est un espoir qui a été à jamais ruiné par l'histoire du XXe siècle dont le débondement de haine (the time is out of joint disait Shakespeare) a enfoncé tout ce qui est dans une irréversible  perdition et il y a bien longtemps que personne ne croit plus que l'action politique peut encore vraiment changer quelque chose.

 

13 - Car le paradoxe consiste en effet en ce que, malgré le large consensus qui s'est établi face à la catastrophe écologique annoncée depuis plus de 30 ans, on ne fasse quasiment rien : les mesurettes courageuses qui peuvent être prises, si elles ne sont pas des leurres (elles comptent exclusivement sur la consommation pour modifier le modèle de production) apparaissent encore comme  symboliques et un peu dérisoires, sans rapport en tous cas avec l'étendue et l'énormité du désastre. Et si nous ne faisons rien ou presque rien cela s’explique pour un certain nombre de raisons.  D’abord nous ne croyons pas cette catastrophe possible. Ensuite parce qu’il est beaucoup plus difficile pour l'humanité de se battre contre elle-même que de se ne se battre contre la violence de la nature ou la violence des hommes.  Comme l'a montré J.P. Dupuy[12] il en est exactement ici comme de notre propre mort individuelle. Nous savons que nous sommes mortels mais nous n'y croyons pas, notre inconscient ne peut y croire (Freud) et nous faisons comme si nous ne devions jamais mourir. Il en va de même dans notre rapport à la mort de l'humanité que pour la première fois nous sommes bien contraints d'envisager : il y a un abîme entre ce que nous savons et ce que nous croyons et le savoir du pire peut paradoxalement très bien coexister avec une parfaite indifférence à son égard et même avec le déni obstiné de sa réalité d'autant plus que le temps  de l'écologie dont les enjeux relèvent le plus souvent du long terme (il faudra huit ou neuf générations pour que la vie devienne impossible sur une terre empoisonnée et surchauffée, des centaines de milliers d'années pour que l'activité des déchets radioactifs perdent de leur nocivité...) ne correspond en rien au court terme, au  temps  si rapide et si bref  de la politique comme de la vie de chacun ; après tout rien ou presque rien, dans la vie de tous les jours, ne vient confirmer les pronostics alarmants des experts Leurs propos sont infalsifiables, nous ne seront plus là pour les vérifier. Nous demeurons par ailleurs soumis aux contraintes de l'interaction spéculaire (Jean-Louis Vuillerme) : notre déni de la crise environnementale n'est pas d'ordre rationnel (nous ne sommes pas des êtres déraisonnables et nous sommes suffisamment informés) mais d'ordre social (le changement de notre comportement dépend de la combinatoire spéculaire, i.e. des anticipations que chacun de nous effectue sur la capacité effective de ceux qui nous entourent à changer leurs comportements). Et les exigences vertueuses des écologistes en matière d'éducation, de solidarité, de limitation de l'agressivité appropriative... sont comme celles de la gauche, des « rouges » selon Raffaele Simone : proposant toujours et encore le sacrifice, l'effort, le djihad, elles ne sont pas en phase avec une époque de compétition, de  divertissement, de consommation,  de libéralisme, de frivolité, de communication télévisuelle étendue à toute la planète (les plus pauvres dans le tiers-monde, veulent s'enrichir et consommer et non s'unir dans des luttes collectives) qui bientôt  ne pourra proposer comme héritage aux générations futures que  d'immenses masses de gravats et de déchets.

 

14 - Un autre monde est possible ? mais la catastrophe est déjà là, les seuils d'irréversibilité ont dores et déjà été dépassés et ce qui hier était possible ne l'est plus aujourd'hui, notre action ne cessant de modifier les mondes possibles, de modifier et de réduire nos marges de manoeuvre, d'ouvrir mais aussi de fermer des portes et des voies. La France a le nucléaire (soudainement blanchi par la vertu du réchauffement climatique dont l'extrême gravité, il est vrai, pourrait faire basculer des variables-clés et provoquer le déferlement massif de vagues migratoires dévastatrices), la Chine a le charbon, l'Allemagne les grosses cylindrées, les Etats-Unis la surconsommation.... et tous freinent des quatre fers refusant de remettre leurs propres  choix en cause et de changer de paradigme. De plus, comme le dit G. Simondon que cite Bertrand Meheuste[13], toute société tend à persévérer dans l'être et comme tout système, elle ne pourra se transformer que lorsqu'elle sera devenue incompatible avec elle-même, lorsqu'elle sera saturée. Alors seulement elle pourra se restructurer sur un autre plan de façon soudaine. Mais on n'empêchera pas un système d'aller jusqu'au bout de sa logique propre jusqu'à une saturation (par ses propres déchets, par exemple) ; c'est la seule contrainte à laquelle il obéit. On n'empêchera pas la société de descendre aux enfers jusqu'à l'inéluctable catastrophe, la technique apparaissant à chaque fois, dans une fuite sans fin, comme le remède aux maux qu'elle à provoqués. Notre système économique ne peut pas se réformer, il ne peut qu'aller de crise en crise, de bulle en bulle, de dette en dette dans une fuite en avant perpétuelle. L'échec du G 20 et celui de Copenhague a montré, s'il en était besoin, que le capitalisme financier déconnecté de toute économie réelle, à peine le danger de la crise écarté, s'était relancé dans la spéculation la plus effrénée et la course aux bonus. Un libéralisme qui fait fi de toute régulation a gagné la bataille, il est désormais sans dehors et, sourd à la souffrance et à la plainte de la terre, c'est l'humanité elle-même qu'il a condamné à mort.

 

15 - Il est trop tard et la catastrophe a même déjà eu lieu, dit Heidegger, elle n'est pas devant nous mais  derrière nous et elle accompagne chacun de nos gestes. Bien avant Hiroshima, la bombe atomique a éclaté lorsque le cogito cartésien est entré en insurrection par rapport à l'être en le transformant en objet de représentation et de manipulation. L'homme -son génome- n'est-il pas devenu aujourd'hui bio-technologiquement manipulable, l'au-production de l'humain n'ouvre-t-elle pas la porte de son auto-destruction à travers clonage, eugénisme, euthanasie et commerces en tous genres ? Et nous le savons depuis longtemps, ce qui est simplement possible deviendra très vite réel. La technique est devenue un processus sans sujet, un processus incontrôlable dont le déchaînement nihiliste tournant à plein régime met à sac la planète, saccage le sauf et  l'indemne, détruit notre être au monde. La technique à l'envergure planétaire vient de loin, elle procède de toute l'histoire de la métaphysique de telle sorte que c'est bien un fatum qui, quoi que nous fassions, semble aveuglément entraîner notre société, les hommes n'étant jamais -comme pour le Capital selon Marx- que des pièces de la fonction, que  les fonctionnaires du Moloch[14]. La technique en effet n'est pas neutre (ne-uter, ni bonne ni mauvaise), elle est l'utopie en acte, elle porte, par sa dynamique propre, toujours plus de vitesse, toujours plus de précision, toujours plus de puissance... et elle n'a d'autre finalité que la circularité de son propre mouvement. Cette finalité  finit par s'imposer à l'homme sans qu'il ait lui-même rien décidé. La technique (ou la techno-science comme on dit aujourd’hui pour diaboliser la science) "ne pense pas" mais loin d’être neutre, elle neutralise, elle indifférencie.  La technique n'est rien de technique répète Heidegger car  il y a une essence ou un esprit de la technique. Elle ne vise pas primitivement en effet des satisfactions hédonistes, elle touche plus fondamentalement aux abysses de l'histoire de l'Être, elle se vise elle-même, elle se veut elle-même, elle nous incite à faire pour faire, à rivaliser de zèle,  à techniciser à fond l'étant en totalité et à aller jusqu'au bout, le fonctionnement de la machinerie n'ayant d'autre finalité que la perpétration de son propre mouvement d'où l'étrange locution heideggérienne qui prend la pleine mesure de sa démesure, de sa grandeur et de son danger : volonté de volonté.

 

16 - A la différence de la mouvance de l'écologie politique volontiers anti-productiviste et anti-étatique, la reconversion écolo-technologique du capital  demande de la part des écolocrates non seulement une gouvernance renforcée, un éco-fascisme (A. Gorz) susceptible d'imposer par la force les régulations lourdes, (notamment en  matière démographique selon le modèle autoritaire chinois) que la myopie des démocraties  n'auront pas su accepter à temps en formant l'opinion publique (ou la dictature bienveillante d'un comité de sages, façon Hans Jonas) cette fois-ci assuré sur la thermodynamique (la loi d'entropie) et devenu ainsi péremptoire, mais exige de remplacer la nature détraquée par un monde entièrement produit dans lequel, effectivement la volonté se voudra elle-même, l'homme ne rencontrera plus que lui-même et où plus rien n'arrivera. Le modèle chimérique de cette mise en conformité écologique du capitalisme serait  pour certains la ville de Dubaï. En produisant son eau par dessalement, en abaissant sa température, en filtrant les rayons du soleil, en contrôlant tous les paramètres, cette oasis idéale nous ferait « sortir de la nature ...plus rien n'arrive(rait), nulle part, jamais, que nous ne l'ayons décidé[15]". N'avons-nous pas là, très exactement, ce que Nietzsche et Heidegger nommaient le nihilisme accompli.? "La nature a eu lieu, on n'y reviendra plus" disait aussi Mallarmé. Avec les nano-technologies qui manipulent la matière à l'échelle moléculaire et atomique , les apprentis sorciers peuvent désormais fabriquer de la vie ou, avec les OGM, produire un vivant normalisé et aseptisé ; en prenant la relève des processus biologique naturels ils peuvent, en place de la mort qui donnait sens à la vie, rêver d'exorciser la finitude et la mort : Le monde, qui baptise du nom de progrès sa tendance à une précision fatale, cherche à unir aux bienfaits de la vie les avantages de la mort (Valéry).

 

17 - Développement durable : ainsi que l'a montré Aristote, l'oxymore est aussi la figure privilégiée de la Tragédie. Dans la tragédie le héros (Antigone, Oedipe...) est une figure du caractère ambigu de la condition humaine et il est à la fois et contradictoirement innocent et coupable, la gloire et le rebut de l'univers, le jouet et l'auteur du destin inexorable qui l'accable. L'homme et sa technique ne sont-ils pas, eux aussi, deina, à la fois merveilleux et monstrueux ou terrifiants ? Tout avait déjà été dit dans le célèbre stasimon  d'Antigone commenté par Heidegger et Jonas, son élève : « des choses terribles/merveilleuses il y en a beaucoup mais rien de plus terrible/merveilleux que l'homme ».

"Tout ce qui se perfectionne par le progrès périt par le progrès" écrivait Pascal, chaque conquête a toujours trouvé son revers dans l'apparition d'une souffrance plus lourde. Comment pourrions-nous désirer le meilleur sans accepter le pire ? Cette logique duale et ambiguë structure les mythes grecs ainsi que nous l'avait montré J. P. Vernant : il n'y a pas de biens sans maux, pas d'Épiméthée sans Prométhée, pas de Prométhée sans le "beau mal" de Pandore, pas de développement de l'ordre sans accélération de l'entropie, pas de production sans péril de l'autodestruction. D'un même mouvement, par la technique, l'homme se rend puissant et misérable, se libère et s'asservit, comment pourrions-nous vouloir un des deux termes sans l'autre ? Les injonctions contradictoires auxquelles nous sommes aujourd'hui soumis (maintenir notre pouvoir d'achat et nos normes de confort et de vie démocratique/lutter au niveau international contre les injustices et les inégalités) ne nous mettent-elles pas en face de ce qui est en vérité la tragédie moderne ?  

 

18 - La technè dans son audace et dans sa violence sans mesure s'incarnait  pour les Grecs dans la figure titanesque de Prométhée, la figure mythique la plus puissante que l'Occident ait produite. Ce rebelle sacrilège qui permit aux hommes de développer  leur "habileté artiste" vola le feu aux dieux pour qu'ils deviennent eux-mêmes tout puissants comme des dieux. Mais on sait que le titan, le héros civilisateur, celui qui nous avait libérés de notre assujettissement à la nature fut condamné à être enchaîné à un rocher du Caucase, condamné à avoir éternellement le foie (siège de l'énergie guerrière) dévoré par un vautour. Comment ne nous reconnaîtrions-nous pas dans ce héros tragique ? Ne sentons nous pas comme jamais les morsures du vautour, ne sommes nous pas entrés dans l'ère du vautour maintenant que les promesses de la technique se sont inversées en menace et que la fragilité a changé de camp ?

 

19 - Le fatum qui s'attache aux livres ne nous a laissé de la trilogie d'Eschyle que le Prométhée enchaîné. Libre à nous de réécrire les deux tragédies perdues et notamment le Prométhée délivré. "Le pire en effet n'est pas toujours sûr" et il nous est toujours possible de rêver et d'espérer. L'espoir, Elpis, nous dit le mythe, était de tous les maux le seul qui soit resté dans la boîte de Pandore. C'est un mal ambigu puisqu'il est en même temps un bien, le bien illusoire qui nous permet de vivre. Ce qui est sûr en tous cas c'est que l'existence de l'homme est désormais illuminée par un feu qu'il ne rendra jamais aux dieux, dût-il le consumer. L'homme n'est produit que pour l'infinité disait Pascal, le premier à prendre parti pour les "modernes" et depuis l'invention de la première arme ou du premier outil, l'homme s'est donné une histoire et s'est trouvé lancé dans une aventure qui n'a pas de fin.

 

20  A la lumière de l'incendie que nous avons allumé, nous savons aujourd'hui que le plus probable, c'est le retour au désordre, la catastrophe, le chaos et que nous sommes désormais entrés, en phase terminale du capitalisme, dans le temps du sursis. Mais on ne peut prévoir que l'entropie non l'émergence du nouveau ; gare donc à la peur, passion triste qui paralyse, diminue notre puissance et nous replie sur nous-mêmes, gare à la complaisance pour les catastrophes qui nourrissent l'impuissance, gare aux prophètes de malheur qui aveuglément poursuivent de façon linéaire des processus dont l'issue apparaît alors comme une nécessité inéluctable mais que démentent bien vite aussi bien les pesanteurs et la complexité du réel que l'impératif tout puissant de la survie. L'histoire récente  ne nous a t-elle pas montré que, inespérées et infiniment improbables, quelquefois, de nouvelles possibilités de vie parviennent à se frayer une voie, contre toute attente ? Qui avait prévu l'effondrement du nazisme ? Qui avait prévu l'implosion brutale de l'Empire soviétique ? Il est des prophéties qu'on ne fait que pour éviter qu'elles se réalisent. Une manière de laisser la place à une « heuristique de l'espérance » (E. Morin) ?  "Si tu n'espères pas, disait Héraclite, tu ne rencontreras pas l'inespéré ; en terre inexplorée nulle voie vers lui ne s'ouvre".

 

 

[1] Cf., Jared Diamond, Effondrement. Folio Essais, 2009.

[2]   Comme on le dit improprement car la planète elle-même en tant que réalité cosmique n’est pas immédiatement menacée. Mais par l’effet de l’objectivation scientifique notre terre aux larges flancs (Hésiode) est devenue planète.

[3] La crise des subprimes, symbole du capitalisme fondé sur le crédit (les dettes immobilières jusqu'ici indéfiniment échangeables n'étant plus gagées par la richesse réellement existante furent déconnectées de l'économie réelle) en est la plus parfaite illustration.

[4] La fin dans le monde, Hermann, 2009. Cf., aussi, en écho aux Georgiques, Ecologiques, Hermann, 1012.

[5] Selon l’expression d’Augustin Berque.

[6] Le socialisme, héritier de Marx, Prométhée déchaîné, selon l’expression de Hans Jonas, est solidaire d'une idéologie productiviste, il entend transformer un monde qu'il s'agit maintenant d'épargner.

[7] La guerre du climat, Gall., 2009.

[8] Surface des terres et des eaux dont chacun a besoin pour produire les ressources qu’il consomme et pour absorber ses déchets. Elle est ainsi de 9,5 hectare pour un américain et de 1 hectare pour un africain.

[9] Le pari de  la décroissance, Fayard, 2006.

[10] G. Bataille, in La notion de dépense, OC I. Dans son Antimanuel d’écologie (Bréal, 2009, p. 242), Yves Cochet, écologiste radical, voit pourtant dans l’économie générale de Bataille le fondement de l’écologie politique. Dans La part maudite celui-ci réintègre en effet l’économie humaine dans l’économie générale de l’énergie sur la terre, il se livre à une critique de la centralité du travail et de l’utilité et à une apologie de la dépense libre et gratuite, seule à la mesure de l’univers. En proscrivant le gaspillage somptuaire, en prescrivant la sobriété à l’égard des ressources naturelles, l’écologie ne serait pas synonyme de frustration, de renoncement et de mortification mais serait au contraire une invitation à dépenser sans compter les énergies métaboliques et renouvelables de notre corps. Y. Cochet reprend l’opposition que fait Allan Stoekl dans Bataille’s Peak (Minnesota Press, 2007) entre waste (gaspillage) et expenditure (dépense). Sur ce sujet, cf. notre « Ecologie bataillienne » parue dans la revue de l'enseignement philosophie et repris ici même sous le titre : Champs de foudre.

[11] Cf., Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, de René Riesel et Jaime Semprun, Encyclopédie des nuisances, Paris, 2008.

[12] Pour un catastrophisme éclairé, Point Essai, 2004.

[13] Politique de l'oxymore, éditions de La Découverte, 2009.

[14] Cf., le livre remarquable de J. Vioulac, L'époque de la technique. Marx, Heidegger et l'accomplissement de la métaphysique,  PUF, 2009.

[15] Cf., Hervé Juin, Produire le monde. Pour une croissance écologique. Gall., Le débat, 2008.

 

 

[i] éditions des PUF, Actes-Sud, Ellipses et Laffont. Son père résistant et mort en camp de concentration inspire, en silence, sa méditation.

            [1] Cf., Jared Diamond, Effondrement., Folio Essais, 2009.

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